
L’ambassade suisse à Berlin – symbole de continuité
Voisine directe de la Chancellerie fédérale, l’ambassade suisse dispose aujourd’hui d’un site de choix dans le coude de la Spree à Berlin. Dans le quartier gouvernemental, nul ne peut manquer le drapeau rouge à croix blanche. Grâce à d’heureuses coïncidences, le palais historique acquis par la Suisse en 1919 n’a pas été incendié, ni détruit, ni vendu au cours du siècle écoulé. Et cela cache un destin extraordinairement mouvementé, qui incarne sans nul doute la continuité suisse.
Si la période était déjà très agitée sous la république de Weimar, elle l’est encore davantage après la prise de pouvoir d’Adolf Hitler en 1933. En qualité d’historien et de témoin d’une époque, Paul Widmer, diplomate suisse et ancien responsable de la représentation suisse (1992-1999), reconstitue de façon absolument passionnante l’histoire de la représentation helvétique dans son ouvrage Die Schweizer Gesandtschaft in Berlin.
Heureuses coïncidences et opiniâtreté pendant les années de guerre
Grâce à sa construction robuste, l’immeuble résiste quant à lui aux bombardements intensifs de 1943 et 1945. Des employés se révèlent aussi d’une aide précieuse, comme le chauffeur berlinois Richard Fritze, qui reste dans le bâtiment les nuits de bombardement et éteint les petits départs d’incendie à l’aide d’un pulvérisateur à main. Par ailleurs, les bonnes relations entretenues avec les pompiers favorisent également leur arrivée rapide lors des impacts. Et les heureux hasards se suivent: une bombe tirée au travers d’un baril de pétrole dans la cour intérieure n’explose pas. En outre, le bunker de l’immeuble offre un abri à de nombreuses personnes et leur sauve la vie.
En RDA, les Suisses candidats au retour soutenus par la délégation de rapatriement
Sous la direction du diplomate François de Diesbach, la délégation pour le rapatriement aide, en trois ans seulement, plusieurs milliers de Suisses et Suissesses à quitter les régions orientales pour regagner leur patrie. De surcroît, elle soutient surtout les quelque 14 000 citoyens et citoyennes helvétiques qui vivent alors à Berlin et en zone soviétique. Rien qu’en 1945/1946, elle organise le retour de près de 4000 paysans. Avec la division de l’Allemagne et l’émergence d’un état socialiste, la situation des paysans suisses restés en RDA s’aggrave davantage. Quand le gouvernement de la RDA collectivise l’agriculture, ce sont encore des centaines de fermiers qui rallient la Suisse avec l’appui de la délégation en 1952/53. Pour autant, celle-ci n’abandonne pas ceux de ses citoyens qui, malgré les répercussions de la guerre, l’occupation et la misère, ont choisi de rester en RDA. De Berlin, elle leur fournit denrées alimentaires, vêtements et médicaments.
La guerre froide devant la porte: construction du mur de Berlin en 1961
La légation se trouve désormais, et jusqu’à la chute du mur en 1989, en zone neutre, à l’écart du quartier d’affaires de Berlin-Ouest et près du mur. À Berne, l’administration fédérale songe à le vendre, mais personne n’est intéressé – même pas le sénat berlinois.
Politique de détente dans les années 70: l’ambassade suisse à Berlin-Est
Un cuisinier de l’ambassade dans les geôles de la Stasi
Les tensions qui suivent la division de l’Allemagne restent tangibles. Peter Gross, jeune Suisse de 24 ans, n’y échappe pas. Il travaille dans les locaux de l’ambassade suisse à Berlin-Est en tant que cuisinier de Hans Miesch, premier ambassadeur suisse en RDA. Son poste lui permet de disposer d’une voiture dotée de la plaque diplomatique «CY» réservée au personnel technique et de passer la frontière sans être contrôlé. Pour offrir une soirée mémorable à sa petite amie est-berlinoise, il la cache dans le coffre de sa Mini et l’emmène à Berlin-Ouest. L’expérience réitérée à plusieurs reprises se déroule sans encombres. Mais le 1er février 1975, le véhicule est arrêté par des employés du ministère de la Sécurité d’État au poste-frontière. Le couple est appréhendé pour passages de frontière illégaux répétés et pour prétendue complicité de fuite de la République.
Gross a été dénoncé à la Staatssicherheit (Stasi): une peine de cinq ans de détention est prononcée à son encontre, et de quatre ans et demi pour sa bien-aimée, à Bautzen II, la prison spéciale redoutée de la Stasi. Tous deux ne seront relâchés qu’après plus de trois ans d’incarcération. Si les ressortissants suisses jugés pour avoir aidé à fuir sont en général reconduits discrètement en Suisse une fois la procédure judiciaire terminée, Gross et sa compagne d’infortune deviennent le jouet des hautes sphères politiques. La RDA veut faire d’eux une monnaie d’échange contre le couple d’agents Wolfin, qui a espionné en Suisse pendant plusieurs années pour le compte de la Stasi, avant d’être démasqué et emprisonné en 1973.
Après le procès des Wolfin en juin 1975, les autorités de la RDA proposent de les échanger notamment contre le Suisse Gross. Cependant, la Suisse estime que la transaction n’est pas équitable. Ce n’est qu’une fois que les espions ont purgé une partie de leur peine que la Suisse envisage l’échange des prisonniers. Gross et son amie sont donc libérés de façon encore anticipée en 1978 et relâchés en RFA. Plus tard, ils se marieront en Suisse. Quant aux sentences de la RDA, elles seront levées après la réunification allemande.
Gross a été dénoncé à la Staatssicherheit (Stasi): une peine de cinq ans de détention est prononcée à son encontre, et de quatre ans et demi pour sa bien-aimée, à Bautzen II, la prison spéciale redoutée de la Stasi. Tous deux ne seront relâchés qu’après plus de trois ans d’incarcération. Si les ressortissants suisses jugés pour avoir aidé à fuir sont en général reconduits discrètement en Suisse une fois la procédure judiciaire terminée, Gross et sa compagne d’infortune deviennent le jouet des hautes sphères politiques. La RDA veut faire d’eux une monnaie d’échange contre le couple d’agents Wolfin, qui a espionné en Suisse pendant plusieurs années pour le compte de la Stasi, avant d’être démasqué et emprisonné en 1973.
Après le procès des Wolfin en juin 1975, les autorités de la RDA proposent de les échanger notamment contre le Suisse Gross. Cependant, la Suisse estime que la transaction n’est pas équitable. Ce n’est qu’une fois que les espions ont purgé une partie de leur peine que la Suisse envisage l’échange des prisonniers. Gross et son amie sont donc libérés de façon encore anticipée en 1978 et relâchés en RFA. Plus tard, ils se marieront en Suisse. Quant aux sentences de la RDA, elles seront levées après la réunification allemande.


