Au printemps, le jardin du Château de Prangins se présente sous son plus beau jour.

Printemps tout en nuances

Avec son lot de froid et d’humidité, le premier printemps du potager manque le plus souvent de générosité, avec de fâcheux retards à la clé… La floraison des espaliers sauve la donne. Explications et consolations.

Schweizerisches Nationalmuseum

Schweizerisches Nationalmuseum

Le Musée national Suisse est le musée d’histoire culturelle le plus visité de Suisse.

« Vous n’avez pas plus de verdure ?! » Le visiteur s’impatiente en se vantant d’avoir déjà tiré, chez lui, les premières asperges, coupé les épinards primeurs et récolté de beaux persils. « Et nos espaliers, les avez-vous appréciés ? », répond André, le jardinier chef du potager. L’œil rivé sur les salades d’hiver et les « choux plumes » (chou frisé du Nord, selon notre étiquette ; « chou Kale » pour les anglophones de passage), il n’avait pas vu la blanche floraison des abricotiers et celle, rose, des pêchers ; des ambiances de fêtes japonaises !

Les raisons de la lenteur

Louis Guiguer fait l’acquisition du château en 1723 et les archéologues du XXe siècle découvrent la date de 1729 sur une dalle du fond du bassin central du potager. Cela signifie que la mise en place du jardin a été réalisée en moins de 6 ans… Impressionnant quand on sait que la profondeur des fossés ouest dépassait 25 mètres et que monticules et talus laissés par une ancienne moraine glaciaire obligeaient des maniements et comblements de terres considérables ! Résultat des opérations : un terre-plein enfoncé de quelques mètres et ceinturé de murs. Côté microclimat, l’endroit joue sur un grand volant thermique ; les cultures se trouvant dans un frigo jusqu’en mai, alors que l’effet d’étuve estival influence parfois la végétation jusqu’à fin novembre.

Culture en microclimat particulier

En fonction de cette frilosité printanière, les jardiniers doivent prendre quelques précautions. Il faut habiller les plantes d’orangerie d’une double toile (pot, couronne, tronc), couvrir les pieds d’artichauts et d’autres plantes vivaces avec des branches de sapin, maintenir plus longtemps les sacs de blanchiment sur les cardons. Il est aussi possible de piéger la chaleur solaire avec des cloches de verre ou des coffres. Ces derniers sont d’usage courant au XVIIIe siècle. Il s’agit d’un cadre en bois équipé d’un châssis de verre. Avant de le poser sur la culture à aider – rampon, par exemple – on creusait une fosse qu’on remplissait de fumier frais dont la fermentation offre un dégagement de chaleur qui sera retenu dans le coffre couvert du châssis. En résumé, cela donne, de bas en haut : fumier bien tassé, terre et culture, couvercle de verre posé sur cadre de bois.

Froidures sur fruitiers en espaliers

Plaqués sur les murs, les arbres fruitiers en espaliers sont répartis selon la course du soleil et les besoins en lumière des différentes essences. Les plus exigeants, abricotiers et pêchers, s’offrent les plus belles expositions, en adret, face au Sud ; les moins « lumivores », cerisiers et pommiers, en ubac, face au Nord. L’abricotier, le mieux loti en rayonnement solaire, pourrait regretter sa position. Ayant une fleur très sensible aux gelées, plus il fleurit tôt, plus il va se sentir menacé. Pour trouver la solution à ce problème, il suffit de lever les yeux au-dessus de l’arbre. La planche qui chapeaute le mur, et intrigue souvent le visiteur, permet de maintenir l’échappée de chaleur qui va sortir la nuit du mur où elle s’est accumulée le jour. Juste ce qu’il faut pour maintenir vivantes les fragiles floraisons. Les anciens avaient observé le comportement des arbres conduit en espaliers sous les avant-toits des fermes.

Pour apprécier notre potager dans une atmosphère de véritable printemps, préférer fin mai plutôt que fin mars.

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