
Le jeu dangereux d’un auteur biennois
Qui l’a inventé? Probablement des soldats russes. Et qui l’a fait connaître au monde? Très certainement un écrivain biennois. Voici l’histoire de la roulette russe.
Il a également un frère et une sœur déjà adultes qui vivent aux États-Unis. Enfant, Georges aime lire des ouvrages sur Guillaume Tell et l’histoire de la Suisse, mais aussi sur la vie de Napoléon et la Légion étrangère, en plus de récits d’aventure américains.
Alors que George a douze ans, sa famille déménage aux États-Unis. Eugène, qui ne se plaisait pas dans son métier d’horloger, y avait en effet déjà vécu pendant sa jeunesse. À New York, où les Surdez posent leurs valises, Georges devient l’étranger de service et subit les quolibets de ses camarades de classe. On le traite notamment de «sale Suisse». Il quitte l’école à 16 ans. À 19 ans, il part pour l’Afrique et s’installe en Côte d’Ivoire, qui est alors une colonie française. De là, il explore d’autres parties du continent, dont le Maroc et le Soudan.


En 1927, celle-ci est adaptée à l’écran par la société de production d’un certain Joseph Kennedy, le père du futur président des États-Unis. En 1928, Surdez obtient la nationalité américaine, encouragé par sa femme Edith, une enseignante qu’il avait épousée en 1922. Nettement plus âgée que lui, Edith ne semble à l’origine pas gênée par le fait que son mari soit un auteur de «pulps», considérés comme de la littérature de bas étage. En 1943, elle finit toutefois par le quitter pour un autre homme.


L’histoire traite d’une unité de la Légion étrangère stationnée en Afrique du Nord. Ses personnages principaux sont le sergent Burkowski, un Russe accro au jeu, et le sergent allemand Feldheim, qui tente de détourner son compagnon de cette addiction. Burkowski ne joue toutefois pas seulement pour l’argent: il joue aussi avec sa vie. Il survit à plusieurs parties de roulette russe, mais finit par mourir en se tirant volontairement une balle dans la tête. Dans le récit, Burkowski affirme que le jeu a été inventé par des officiers russes en Roumanie, en 1917, lors des derniers jours de la participation de l’Empire russe à la Première Guerre mondiale, alors que l’armée du tsar, démoralisée, battait en retraite. La roulette russe reposerait donc sur un contexte sinon réel, du moins plausible.
La roulette russe
La roulette russe consiste à insérer une seule balle dans le barillet d’un revolver, puis à faire tourner le barillet de sorte que l’on ignore où se trouve la balle. Un barillet comporte généralement six chambres et peut donc contenir six balles. Le joueur ou la joueuse pointe alors le revolver sur sa tempe et actionne la détente.
Quoi qu’il en soit, le récit de Surdez fit de la roulette russe une réalité. En 1954, le chanteur de rhythm and blues Johnny Ace mourut d’ailleurs en perdant une partie. L’expression entra également dans le langage courant. De nos jours, elle est souvent employée comme synonyme d’une démarche à haut risque, comme quand le secrétaire général des Nations Unies a parlé de «jouer à la roulette russe avec notre planète» en juin 2024.
Notons que Georges Surdez mourut d’une mort naturelle en 1949.


Cet article est paru dans le quotidien Bieler Tagblatt. Il a été publié en langue allemande le 9 octobre 2017 sous l’intitulé «Dem Bieler, der Russisch Roulette bekannt gemacht hat, auf der Spur» dans une version plus détaillée.


