Voyager pour le salut de l’âme
Depuis plus de 1000 ans, les pèlerins viennent prier la Vierge noire à l’abbaye d’Einsiedeln. Rétrospective.
L’abbaye d’Einsiedeln a une histoire millénaire. Depuis le modeste ermitage de Meinrad vers 860 à l’actuelle église baroque, l’abbaye traversa de nombreuses périodes de prospérité mais également des crises. C’est un des rares monastères qui a survécu à la Réforme protestante, à la République helvétique et aux mutations de la société. Le rôle d’Einsiedeln en tant que lieu de pèlerinage a été décisif. Même quand les pèlerinages étaient mal vus, voire interdits, les fidèles continuaient à se rendre à la chapelle des Grâces à Einsiedeln. Depuis le XIIe siècle s’y trouve une statue de Marie avec l’enfant Jésus, l’«image miraculeuse». En se présentant devant elle, les pèlerins espèrent obtenir leur guérison ou le salut de leur âme.
Mais pourquoi l’abbaye exerce-t-elle une telle attraction ? L’importance du lieu de pèlerinage est liée à la «Dédicace angélique». Selon la légende, Jésus-Christ lui-même aurait consacré la chapelle. L’acte pontifical, certifiant cet évènement, est ce pendant une pieuse supercherie. Dès le XVe siècle, des doutes quant à son authenticité firent leur apparition. Le concile de Bâle (1431 – 1449) déclara qu’il s’agissait d’une con trefaçon et annula de ce fait les privilèges d’Einsiedeln. Cependant, c’est le pape Eugène IV qui eut le dernier mot. Celui-ci confirma malgré tout les privilèges liés à la Dédicace angélique et, de la sorte, le pouvoir d’absolution d’Einsiedeln.
En voyage pour obtenir la rémission des péchés
Selon les conceptions religieuses de l’époque, chacun devait se repentir de son vivant afin d’abréger les souffrances du purgatoire. Les fidèles aisés pouvaient acquérir des indulgences, c’est-à-dire des documents délivrés par l’Église qui libérait leur propriétaire de tout péché. Les moins fortunés devaient soit suivre la procédure ecclésiale, souvent compliquée, ou encore faire pénitence. En raison du pouvoir d’absolution, les pécheurs pouvaient, en se rendant à Einsiedeln, abréger le séjour de leur âme au purgatoire. Un pèlerinage était non seulement favorable à leur propre salut mais il permettait également de sauver l’âme de parents décédés.
L’abbaye traverse la plus importante crise de son histoire au lendemain de la Révolution française. Le 3 mai 1798, des troupes françaises occupent Einsiedeln. 14 jours durant, 6000 soldats sévirent et pillèrent le lieu saint. Des objets de valeur sont volés, tableaux et livres sont mis au pilon et les plus beaux chevaux sont offerts en cadeau. Les soldats détruisent les meubles ainsi que les aménagements intérieurs et enterrent les reliques dans le cimetière. La fureur destructrice des soldats épargne toutefois la chapelle des Grâces. Elle n’est pas détruite aveuglément mais démontée pierre par pierre. Les moines parviennent à sauver son objet le plus sacré, l’«image miraculeuse». Ils s’enfuient peu avant l’assaut avec la Vierge dans leurs bagages, ne laissant aux Français qu’une copie qui disparaît rapidement. Sur le plan politique, la proclamation de la République helvétique fait suite à l’occupation française. Dans le cadre de la sécularisation, les pèlerinages font l’objet de restrictions et les monastères, parmi lesquels celui d’Einsiedeln, sont dissous. Il est toutefois remis en activité en 1803. L’abbaye entre dans une nouvelle période faste lorsqu’une vague de religiosité traverse l’Europe dans le courant du XIXe siècle. C’est avec le développement du réseau de chemin de fer que débute l’ère des pèlerinages de masse: vers 1830, environ 30’000 pèlerins par ans se rendent à Einsiedeln. Aujourd’hui, ils sont un demi-million chaque année.
L’abbaye d’Einsiedeln. 1000 ans de pèlerinages
16 septembre – 21 janvier 2018
Musée national Zurich
À l’occasion d’une grande exposition, le Musée national Zurich présente l’histoire millénaire du monastère d’Einsiedeln et de son pèlerinage. Avec plus de 300 objets du IXe au XXe siècle, l’abbaye est le plus important prêteur de l’exposition. Présentée pour la première fois au grand public, une grande partie de ces objets ne sera plus accessible au terme de l’exposition.