Le Sechseläuten il y a un siècle: un spectacle haut en couleur
Cinq photos couleur de 1914 montrent que la fête du printemps zurichoise était déjà très pittoresque il y a un siècle.
Le 16 avril 2018, les membres des corporations défileront une nouvelle fois dans les rues de la vieille ville de Zurich dans leurs costumes traditionnels colorés. Après avoir emprunté la Bahnhofstrasse et longé les quais de la Limmat, le cortège se retrouvera à 18 heures précises sur la Sechseläutenplatz pour la crémation du Böögg, une sorte de Bonhomme Hiver rembourré de fibre de bois, de carton, de jute, de ouate et de pétards. La tête de ce drôle de personnage est en outre remplie d’artifices particulièrement bruyants. La tradition veut que la durée qui s’écoule entre la mise à feu du bûcher et l’explosion de la monstrueuse tête préfigure le temps qu’il fera en été: plus celle-ci est courte, plus la belle saison s’annonce prometteuse. Le nom de la manifestation (qui signifie sonnailles de six heures) remonte à une décision prise au XVIe siècle par le Conseil de la ville, qui fixait le début de la soirée à six heures au lieu de cinq pendant les mois d’été. Comme nombre d’autres réjouissances populaires, le Sechseläuten s’est transformé au fil des années. La fête telle que nous la connaissons actuellement, avec son cortège et la crémation du Böögg, date tout juste d’un siècle. C’est d’ailleurs à cette époque qu’ont été prises les cinq photos couleur de la collection du Musée national suisse.
En 1907, les frères Lumière commercialisent l’autochrome, la première technique industrielle de photographie couleur. Le processus, basé sur l’utilisation de fécule de pomme de terre colorée et de sels d’argent permet de fabriquer directement une photo couleur. Les autochromes présentent un aspect pictural qui résulte de la coloration des gros grains de la fécule de pomme de terre. Cette forme originelle de la photo couleur n’était toutefois pas très pratique. Les autochromes étant des pièces uniques composées d’une diapositive sur verre, il était indispensable d’utiliser un appareil, par exemple un projecteur, pour les regarder. Elles étaient donc difficiles à reproduire et à exposer.
Passionné de photographie, l’ingénieur d’arrondissement Wilhelm Keller (1862–1942) prit le 20 avril 1914 un autochrome d’un groupe d’hommes posant dans des habits militaires antiquisants le 20 avril 1914, dans le cadre du Sechseläuten.
La même année, l’ingénieur Heinrich Sallenbach (1890–1920) prit lui aussi un autochrome de la manifestation. Quatre photographies montrent des filles et des garçons costumés le jour du cortège des enfants, traditionnellement organisé depuis les années 1890 le dimanche précédant le Sechseläuten. Les tenues témoignent de l’appartenance aux différentes corporations. Elles sont très variées, allant du simple habit traditionnel aux vêtements rococo.
Les travaux de Sallenbach sont des images stéréoscopiques, très populaires depuis les années 1850. Grâce à un stéréoscope, un dispositif optique, l’œil pouvait réunir deux vues prises depuis des positions légèrement différentes en une image en relief. Il était possible de plonger depuis chez soi ou un marché dans des univers familiers ou inconnus tout en couleur.
L’autochrome nécessite beaucoup de lumière et donc de longs temps d’exposition. Comme le montrent les trois images noir/blanc, on ne pouvait photographier les scènes animées du cortège qu’à l’aide du procédé monochrome.
Pour l’observateur d’aujourd’hui, les autochromes de Keller et de Sallenbach sont avant tout des souvenirs colorés d’une époque révolue.
La collection de plaques de verre désormais en ligne
Le Musée national possède plus de 40 000 plaques de verre photographiques, dont plus de 800 autochromes provenant de différents achats et donations. Une grande partie d’entre elles appartenaient à la célèbre collection de Ruth et Peter Herzog (Bâle). Depuis 2017, ces photographies sont conservées dans des conditions optimales et mises en ligne afin de les rendre accessibles au public. Lorsque les droits d’auteur le permettent, elles sont publiées dans la collection en ligne du MNS.