Meurtre dans les thermes romains
Pour les Romains d’Augusta Raurica aussi, se rendre aux thermes était primordial. Mais les bains étaient parfois le théâtre de meurtres, comme l’ont montré certaines fouilles. Des ossements humains portant des traces de coups ont ainsi été retrouvés.
On profitait du savoir-vivre romain autant au bord du Rhin que sur les rives du lac de Zurich. Augusta Raurica, colonie fondée sous le règne de l’empereur Auguste, connaît un développement spectaculaire au cours du premier siècle après Jésus-Christ. Le bois des édifices est remplacé par la pierre, et la ville se pare de temples, de thermes et de théâtres. À son apogée, la ville comptait près de 15 000 habitants. Un chiffre que les communes Augst et Kaiseraugst qui lui ont succédées n’atteignent pas aujourd’hui.
Certains quartiers d’Augusta Raurica abritaient majoritairement des activités artisanales, d’autres des activités commerciales; certains étaient habités par des nobles, d’autres se composaient de logements en enfilade occupés principalement par des gens simples. Il arrivait parfois qu’un quartier pauvre devienne à la mode, comme ce fut le cas de la zone au pied de la curie, au nord du forum. Des artisans commencèrent par s’y installer, puis un homme d’affaires particulièrement habile fit construire des thermes au milieu de leurs chaumières. Ceux-ci étaient privés, et donc payants, contrairement aux bains publics gratuits que les sénateurs, tribuns, légats et préfets devaient financer sur leur fortune personnelle. Avoir un mandat politique avait un prix!
Mais revenons-en aux thermes du quartier des artisans: avec l’eau sulfureuse de la fontaine souterraine, ils offraient un service exclusif et pouvaient probablement proposer des bains de soufre ou des cures hydrominérales. Grâce aux écrits de Pline l’Ancien, nous savons aujourd’hui que les Romains avaient recours à l’eau sulfureuse pour soigner les affections nerveuses. Les thermes d’Augusta Raurica servirent pendant plusieurs décennies... et furent probablement témoins de plusieurs crimes. Des fouilles réalisées dans la fontaine souterraine des thermes ont en effet mis à jour 3000 moules d’argile utilisés par des faux-monnayeurs. Le plus récent présente une face datant de l’an 246. Par la suite, les bains et la fontaine souterraine furent manifestement délaissés et utilisés comme décharge. On y fit diverses découvertes archéologiques et on y trouva des ossements humains, dont certains présentent des traces de coups!
Il s’agirait d’une affaire pour la police scientifique, mais la médecine légale moderne est arrivée quelques centaines d’années trop tard. Quoi qu’il en soit, le cas fut probablement examiné, à l’époque déjà, au moyen de «méthodes forensiques». Ce terme renvoie à l’analyse des indices criminels et provient en effet de «forum», cette place du marché où les Romains ne faisaient pas qu’acheter des légumes mais organisaient également des procès. Audiatur et altera pars!, criait-on alors («Que l’on entende l’autre partie!») et In dubio pro reo («Dans le doute, juger en faveur de l’accusé»), ce à quoi les personnes à la langue bien pendue ajoutaient: Ibi fas ubi proxima merces («Le droit se place du côté du plus offrant»).