La bataille de Solferino vue par les gens de l’époque. Gravure de 1860.
Musée national suisse

Tutti Fratelli

Henry Dunant fonda la Croix-Rouge en 1863. Cette organisation rendit les conflits militaires un peu plus humains.

Benedikt Meyer

Benedikt Meyer

Benedikt Meyer est historien et écrivain.

«Le soleil du 25 juin éclaira l’un des spectacles les plus affreux qui se puissent présenter à l’imagination. Le champ de bataille est partout couvert de cadavres d’hommes et de chevaux; les routes, les fossés, les ravins, les buissons, les prés sont parsemés de corps morts, et les abords de Solferino en sont littéralement criblés.» C’est en ces mots qu’Henry Dunant décrivit la bataille de Solferino, lors de laquelle les armées de la France, de la Sardaigne et de l’Autriche s’étaient opposées la veille, à savoir le soir du 24 juin 1859.

Dunant était choqué de voir que personne ne s’occupait des morts et des blessés. Il le fit donc lui-même. Avec des centaines de femmes et jeunes filles de Solférino et Castiglione, il s’occupa des dizaines de milliers de blessés. «Tutti fratelli», déclarèrent les femmes en aidant chacun d’eux, et ce quelle que soit sa nationalité. Cependant, l’intervention de Dunant eut peu d’effet. L’organisation, le personnel et le matériel faisaient défaut: on manquait de tout. La bataille avait été effroyable. Dunant rentra à Genève, passa sur les conseils de sa mère un mois dans un chalet situé sur les hauteurs de Montreux et commença à rédiger un rapport. Il y décrivit également la manière dont les blessés pourraient à l’avenir être soignés. Un souvenir de Solferino fut publié trois ans plus tard, en septembre 1862. Il fut réédité en décembre et les premières traductions parurent au début de l’année 1863.

Le 9 février 1863, la Société suisse d’utilité publique débattit des idées présentées dans le livre et mit sur pied une commission composée de cinq personnes, dont Henry Dunant et Guillaume Henri Dufour. La première action de cette commission fut de fonder le Comité international de la Croix-Rouge. Dunant et ses comparses sillonnèrent toute l’Europe pour promouvoir leurs idées. En octobre 1863 les bases des futures Sociétés nationales de la Croix-Rouge furent posées et en 1864, le Conseil fédéral convoqua une conférence diplomatique à Genève à la demande du CICR. Celle aboutit à la signature de la convention de Genève. Par la suite, le CICR étendit ses activités au monde entier, contribua massivement au développement du droit international humanitaire et apporta dès lors une aide irremplaçable lors des guerres et des catastrophes.

Henri Dunant.
Wikimedia

Affiche de la Croix-Rouge pendant la Première Guerre mondiale.
Musée national suisse

Henry Dunant eut moins de chance dans sa vie privée. Il fit faillite en 1865, et ne se serait pas sorti de cette mauvaise passe sans le soutien de ses amis. Il continua à militer en faveur du CICR, mais aussi pour l’abolition de l’esclavage ainsi que pour une bibliothèque internationale universelle. En 1887, il se retira à Heiden en Appenzell, et fut pratiquement oublié de tous jusqu’en 1901, date à laquelle il reçut le tout premier prix Nobel de la Paix. Le travail accompli depuis par les hommes et les femmes (en grande majorité) de la Croix-Rouge aurait sans conteste mérité plusieurs autres prix Nobel.

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