Je suis un bateau en été et une luge en hiver. màd

Le rêve d’Icare

L’être humain a toujours rêvé de voler et il y est parvenu grâce à des avionneurs et à des pilotes célèbres. Dans l’Unterland zurichois, des aéromodélistes participèrent à cette aventure à travers des inventions parfois très originales.

Katrin Brunner

Katrin Brunner

Katrin Brunner est une journaliste indépendante, spécialisée dans l'histoire et chroniqueuse de Niederweningen.

Malgré son âge canonique (101 ans), Willi Maag se souvient encore très bien des meetings aériens qui avaient toujours lieu le dimanche et qu’il allait souvent voir à vélo avec des amis tout aussi passionnés. Les albums photos de ce centenaire de Niederglatt rendent compte des débuts de l’aéromodélisme et de l’aviation dans les années 1930.

À cette époque, chacun construisait son propre planeur de vol libre. «Il n’y avait pas encore de kits de montage. On fabriquait nos modèles avec du bois, de la colle et du tissu», dit Willi Maag. En 1940, il participa aux Journées nationales de l’aviation de Soleure et monta sur la première marche du podium grâce à son planeur appelé la «Sauterelle». Certes le modèle était uniquement fabriqué avec des ailes et un moteur, mais son assemblage original fit grande impression. En Suisse, c’était la première maquette de planeur équipée d’un propulseur.

La «Sauterelle» de Willi Maag, une maquette originale qui le propulsa sur la plus haute marche du podium malgré les railleries.
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LE PREMIER ENGIN MODULABLE

Willi Maag et ses amis furent sur le point de réaliser leur rêve – voler –lorsqu’ils reprirent l’aile delta du Segelfluggruppe Bülach. Mais l’appareil n’avait pas de moteur et ses ailes en tissu étaient perméables à l’air. Ils trouvèrent un moteur boxer qui avait été conçu pour un vélomoteur de la marque ABC. Mais le projet ne vit pas le jour à cause du manque d’argent. Malgré cet échec, ils avaient toujours envie de construire un prototype. Ils continuèrent donc à inventer avec le même enthousiasme. Auparavant, un des membres du groupe avait dessiné un véhicule qui de par sa forme rappelait le Zeppelin. On conserva finalement le moteur pour l’entraînement de l’hélice et on fabriqua un engin avec du bois et un tissu ordinaire, qui ressemblait à un cigare et avait l’air fragile.

Lors du premier essai, ils furent eux-mêmes impressionnés par leur machine: non seulement elle avançait, mais en plus elle était très stable. Équipée de flotteurs des deux côtés, elle atteignait les 20 à 25 km/h sur les lacs de l’Unterland zurichois. En hiver, les flotteurs étaient remplacés par des patins. Sur la glace, il glissait à près de 80 km/h. Il pouvait accueillir deux personnes. Cependant, cette fièvre de l’innovation retomba avec le déclenchement de la guerre et la pénurie d’essence qui s’en suivit.

L’ancien pionnier de l’aviation, inventeur et agriculteur Willi Maag dans son bateau qui était aussi une luge.
Katrin Brunner

Le véhicule qu’ils avaient construit était certes original, mais il ne pouvait pas leur faire oublier l’envie de s’élever dans les airs. Willi Maag travaillait chez lui, dans la ferme de ses parents. Il consacrait le peu de temps libre qu’il avait à construire lui-même des maquettes d’engins volants et à assister à des vols à voile habités depuis des aires de décollage, qui sont considérées aujourd’hui comme étant dangereuses.

Dans les années 1940, le Lägern était un site très prisé pour le lancement des planeurs.
Swissair

Aile delta du club de vol à voile de Bülach qui ne put jamais décoller avec un moteur.
Photo LDD

LE LANCEMENT DES PLANEURS

Un de ces sites se trouvait sur le Lägern, à 860 m d’altitude. À partir d’août 1944, le Segelfluggruppe Dübendorf (aujourd’hui appelé Segelfluggruppe Lägern) installa une simple catapulte équipée d’une poulie de renvoi et d’un treuil au niveau du point de triangulation Hochwacht, afin de lancer les planeurs en direction du Furttal. Un poids de 1200 kg était nécessaire pour donner suffisamment d’élan. Ce type de lancement était utilisé pendant la guerre en raison de la pénurie de carburant. La plupart du temps, les planeurs étaient transportés sur des charrettes et assemblés sur place. Lors des week-ends ensoleillés, les vols attiraient de nombreux spectateurs. Le point culminant de ces événements aéronautiques était le lancement de l’Elfe P2, un planeur léger et équipé d’ailes étroites et aérodynamiques. C’est d’ailleurs à cette époque que fut établit le record suisse de distance avec passager de la crête du Lägern jusqu’à Soleure. Après la guerre, le massif retrouva son calme. Les planeurs eurent très vite «leur» propre aérodrome près de Dällikon, dans le Furttal.

Willi Maag rêvait de devenir pilote, mais le destin en décida autrement. Il reprit donc la ferme familiale. Toutefois, il put entretenir ce rêve toute sa vie et même le réaliser en volant en tant que passager.

L’essence était rationnée à cause de la guerre. Les pilotes construisirent alors une catapulte sur le Lägern pour lancer leur planeur.
Photopress

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