Les Romaines redoutaient les Germains. Le Rhin retint les envahisseurs venus du Nord, pendant un temps tout au moins.
Les Romaines redoutaient les  Germains. Le Rhin retint les envahisseurs venus du Nord, pendant un temps tout au moins. Wikimedia

La nouvelle frontière de l’empereur

Il y a 1600 ans, l’empereur romain Valentinien Ier fait édifier des fortifications le long du Rhin et du Danube, qui jouent le rôle de frontières, afin de protéger l’empire contre les envahisseurs venus du Nord.

Katrin Brunner

Katrin Brunner

Katrin Brunner est une journaliste indépendante, spécialisée dans l'histoire et chroniqueuse de Niederweningen.

La colère de Valentinien Ier éclate. Cela fait déjà plusieurs dizaines d’années que les Romains ont effectué des paiements à quelques clans alamans pour protéger les frontières de l’empire. Quoi, payer des tribus barbares pour qu’elle n’attaque pas l’Empire romain? Pas sous son règne. Il stoppe les versements et prépare ses troupes pour la bataille. Nous sommes en 365 apr. J.‑C., et les auspices sont guerriers. L’auteur antique Ammien Marcellin décrit avec force de détails cette époque et ces problèmes. Ses textes sont majoritairement en latin, bien qu’il soit né grec, ce qui nous surprend aujourd’hui.
Portrait de Valentinien Ier.
Portrait de Valentinien Ier. Wikimedia
Entre 213 et 259, lorsque les Germains franchissent le limes, situé dans l’Allemagne actuelle, avant de se diriger vers le sud, l’état-major romain recule la frontière de l’empire vers le Rhin. À partir de 369 après J.-C., les troupes de l’empereur consolident et optimisent les fortifications qui se trouvent le long du fleuve stratégique. Érigées par leurs prédécesseurs, elles n’ont pas été entretenues et sont en piteux état. À l’inverse du mur d’Hadrien en Angleterre, ou du limes de Rhétie, les fortifications du Rhin ne se composent pas d’un mur continu flanqué de fortins, mais de tours de guet et de défense, séparées par de courts intervalles. On compte ainsi quelque cinquante ouvrages défensifs entre Bâle et Stein am Rhein. Mais la construction est difficile et dangereuse: les maçons, et les soldats qui les protègent sont constamment pris pour cible par des attaquants se trouvant sur la rive opposée.
Tours de garde romaines le long du Rhin.
Tours de garde romaines le long du Rhin. Bibliothèque de l’Université de Zurich

Le quotidien des gardiens

Une fois les postes de défense achevés, les gardes se mettent en place. Leur service pouvait durer plusieurs semaines de suite. Avec une surface au sol de onze mètres par douze, on peut imaginer l’étroitesse des tours, qui atteignaient vraisemblablement dix mètres de haut pour permettre de bien voir aux alentours. Les archéologues supposent qu’une équipe de gardiens se composait de quatre hommes. Ils occupaient l’étage supérieur, qui n’était accessible que par une échelle et autour duquel courait un chemin de garde. Meubles, ustensiles et provisions étaient entreposés dans la partie basse de l’édifice. La plupart de ces constructions étaient protégées par un mur et une solide palissade. Dans l’espace entre la tour et la clôture, on élevait cochons et poulets, destinés à figurer au menu des gardiens. La journée d’un garde romain consistait essentiellement à observer ce qui se passait sur la rive opposée, même s’il fallait aussi réparer et entretenir les outils et les armes. Déboiser l’espace autour de la tour était également une activité quotidienne, nécessaire pour avoir en permanence une vue dégagée sur le Rhin.
Tour de garde romaine reconstruite.
Tour de garde romaine reconstruite. Wikimedia

Emporté jusqu’à en mourir

Ammien Marcellin décrit l’empereur Valentinien Ier comme un homme d’éducation «médiocre». Comme son père avant lui, le jeune empereur se trouve mêlé à des intrigues de politique intérieure. C’est à une série de décès et de hasards que le tribun doit sa nomination à la tête de l’Empire romain d’Occident. D’après Ammien, témoin de son temps, Valentinien Ier possède «… une tendance naturelle à la cruauté et à l’emportement…» et la compassion lui est totalement étrangère: «… si, par exception, il se montre clément, cela aussi semble artificiel…». Manque d’éducation par ci, tempérament emporté par là, l’empereur ne fait pas moins preuve d’une grande habileté pour les choses de la guerre. Il renforce la frontière du Rhin et, en 368 apr. J.-C., il organise l’assassinat d’un haut chef alaman pour affaiblir ses adversaires. Cela aussi fait partie de son plan de défense de la frontière. Valentinien Ier meurt le 17 novembre 375, à seulement 54 ans, des suites d’une attaque cérébrale déclenchée par un de ses accès de colère que tous redoutent. Des rumeurs d’empoisonnement circulèrent, et circulent toujours. Trois ans seulement après sa mort, 30 000 guerriers francs et alamans franchissent la frontière au niveau du Rhin supérieur. En 406, les troupes romaines abandonnent définitivement le Rhin pour se consacrer à leur mère patrie, l’Italie, dont les Wisigoths sont en train de s’emparer.

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