
Ogi, psychologie et sourires à la une
En 1993, le président de la Confédération Adolf Ogi et le Conseil fédéral lancent une offensive de charme afin d’entamer des négociations bilatérales avec l’UE à la suite de la défaite historique du 6 décembre 1992, lorsque le peuple suisse a refusé l’adhésion à l’Espace économique européen.
Le chancelier Kohl se décrit comme un «ami de la confédération» et la Suisse a un urgent besoin d’amis. Le 6 décembre 1992, ses citoyens ont refusé l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE). Le Conseil fédéral s’était pourtant prononcé en faveur de cette adhésion, un premier pas vers une plus grande intégration du pays dans une communauté européenne en expansion. À l’automne 1991, les sept sages avaient qualifié l’adhésion de la Suisse à l’UE d’objectif stratégique, ce que le non à l’EEE remet en question de façon radicale. En 1993, il appartient au Conseil fédéral de convaincre – bien à contrecœur – Bruxelles et les États membres de considérer la Suisse au moins temporairement comme un cas particulier de l’intégration européenne.
CE ou UE?
La Communauté européenne (CE) résulta de la fusion en 1967 de la Communauté économique européenne (CEE), de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) et de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Le 1er novembre 1993, le traité de Maastricht fait de la CE le pilier principal de l’Union européenne (UE). En 1960, la création de l’Association européenne de libre-échange (AELE) par la Suisse et six autres pays avait été une réaction au processus d’intégration européenne. L’Espace économique européen (EEE) sera fondé en 1989 comme organe faîtier de la CE et de l’AELE. Le non de la Suisse à l’EEE et l’adhésion de l’Autriche, de la Suède et de la Finlande (États de l’AELE) à l’UE en 1995 fera rapidement diminuer l’importance de l’EEE.
Indépendants depuis peu, les États d’Europe centrale et d’Europe de l’Est voulaient aussi rejoindre l’UE. Malgré toute sa sympathie pour les particularités de la Confédération, le chancelier Kohl considérait le renoncement de la Suisse à une procédure d’adhésion à la CE comme un manque de perspicacité. Et de rappeler lors de la rencontre au manoir du Lohn que «cette bravade de la Suisse n’apporte rien à long terme».
Les membres du Conseil fédéral répétèrent ce mantra tout au long de l’année 1993 à l’occasion d’une quantité de rencontres sans précédent avec des politiciens européens de premier plan.
Le président de la Confédération Adolf Ogi en fit de même au mois de janvier à l’occasion du World Economic Forum (WEF) à Davos et au printemps en compagnie des conseillers fédéraux Cotti et Delamuraz lors de la visite de travail du Premier ministre britannique John Major à Berne. Au mois de juin, Adolf Ogi est reçu à l’improviste par le président français François Mitterrand au palais de l’Élysée pendant son séjour à Paris. En retour, Adolf Ogi l’invite à une visite de son fief de l’Oberland bernois, où il l’accueille le 3 décembre par ces mots, si représentatifs de son franc-parler: «Monsieur le président, vous aimez la Suisse et les Suisses vous aiment».
Reportage TV sur les relations entre François Mitterrand et la Suisse. RTS
Un soutien loin d’être une évidence. Les États membres du sud de la communauté européenne exercèrent en effet une forte pression sur la Suisse. Lors du WEF, le Premier ministre du Portugal Aníbal Cavaco Silva avait déjà fait part à Adolf Ogi de sa déception quant au non à l’EEE et lui fit comprendre qu’il attendait maintenant de la Suisse «quelques gestes, par exemple en matière de regroupement familial (travailleurs immigrés) et de cohésion».
Lisbonne profita de la position demanderesse de la Suisse, utilisant l’affaire de l’exportation vers le Portugal de quelques milliers de tonnes de scories par une entreprise suisse comme levier par rapport aux bilatérales. L’ambassadeur Franz von Däniken, diplomate en chef du DFAE, reconnut que si l’exportation de déchets industriels représentait bel et bien un problème, «placer une telle question au centre des relations bilatérales avec un autre État d’Europe de l’Ouest soi-disant ami et vouloir le résoudre par une attitude proche du chantage en invoquant les préoccupations de la Suisse en matière de politique d’intégration trahit un style inadéquat et un manque de discernement.»


Recherches communes

Le présent texte est le produit d’une collaboration entre le Musée national suisse et le centre de recherche des Documents diplomatiques suisses (Dodis). Le MNS recherche dans les archives de l’agence Actualités Suisses Lausanne (ASL) des images en lien avec la politique extérieure, et Dodis contextualise ces photographies à l’aide de sources officielles. Les dossiers relatifs à l’année 1993 ont été publiés sur la base de données en ligne Dodis le 1er janvier 2024. Les documents cités dans le présent document et d’autres dossiers du volume 1993 des Documents diplomatiques suisses sont également disponibles en ligne.


