
Une citoyenne du monde née à Gstaad
Frieda Hauswirth aura été successivement Suissesse, ressortissante américaine, et sujette britannique. Un long voyage à travers les continents et les administrations.
Frieda Hauswirth affirme être «une écrivaine renommée, comme chacun sait», dont la production littéraire a été «évoquée en termes élogieux dans le journal de Ghandi [sic]», note encore Meyer. Elle peut en outre présenter «quelques intéressants courriers de reconnaissance», «par exemple de l’actuel [vice-]président [Sarvepalli Radhakrishnan] et du poète et philosophe indien Rabin[d]ra[nath] Tagore.» L’une de ces lettres mentionne expressément que Hauswirth «est, ou a été, de nationalité suisse», et que «c’est en tant que telle qu’elle a su saisir et décrire l’âme indienne.»
De fait, les livres de Hauswirth et ses descriptions de l’Inde se fondaient sur sa longue expérience de la vie dans ce pays, où elle avait aussi soutenu les mouvements indiens pour l’indépendance et les droits des femmes.
En 1915, elle divorça de son premier époux, Arthur Lee Munger Jr., et épousa deux ans après l’ingénieur agronome indien Sarangadhar Das, qui avait lui aussi fait ses études en Californie. Ils partirent ensemble en Inde et s’installèrent d’abord à Bombay en 1920, puis à Calcutta, Cochin et Cuttack. En Inde, Frieda Hauswirth fréquentait de nombreuses personnalités issues de la politique, du monde de l’art et de la science, avec lesquelles elle discutait régulièrement. Elle voyagea ou vécut dans des régions très différentes du sous-continent, et découvrit ainsi toute la diversité du pays.
Cosmopolite, Frieda Hauswirth était «restée très attachée à son pays natal», comme le constatèrent les fonctionnaires bernois. Et Meyer se montra impressionné par sa capacité à manier «encore très bien le dialecte du pays de Gessenay, notamment dans l’accentuation et l’intonation», et par le fait qu’elle n’avait que «rarement des difficultés à trouver tel ou tel mot.» Il confirma à Mme Hauswirth qu’en vertu de l’article 19 de la nouvelle loi sur la nationalité de 1952, elle pouvait solliciter sa réintégration. Cet article régissait les conditions de réintégration des veuves et des femmes divorcées ou séparées de corps qui avaient perdu la nationalité suisse du fait de leur mariage.
Ayant divorcé de Sarangadhar Das, Frieda Hauswirth sollicita sa réintégration aux États-Unis, qui lui fut accordée en 1943. Ses changements étonnamment fréquents de nationalité s’expliquent en grande partie par la discrimination sexuelle qui caractérisait encore le droit de la nationalité de pays démocratiques comme les États-Unis et la Suisse. Car dans la première moitié du XXe siècle, la citoyenneté des femmes dépendait de celle de leur époux. Celle de Hauswirth avait en outre à subir l’influence du racisme inscrit dans la loi aux États-Unis, et des mécanismes répressifs de l’État colonial en Inde.
Quoi qu’il en soit, quand Frieda Hauswirth décéda en mars 1974 à l’âge de 88 ans, sa nationalité était celle de sa naissance: suisse. Elle passa les dernières années de sa vie en Californie. Mais selon ses vœux, ses cendres furent transférées à Gessenay et déposées au cimetière du village.


