
L’inventeur en habit de bénédictin
Moine de l’abbaye d’Einsiedeln, le père Athanasius Tschopp (1803–1882) était aussi un inventeur de génie. Parallèlement à sa vie spirituelle, il trouvait toujours le temps de faire des découvertes révolutionnaires. Parmi ses nombreuses inventions figure l’ancêtre du fax.
Cet ecclésiastique enseigna la physique à l’école conventuelle et créa un «cabinet de physique», sorte de laboratoire d’inventeurs. Le père Athanasius ne s’intéressait toutefois pas qu’aux sciences modernes: il fut aussi professeur de théologie et enseigna le catéchisme dans la paroisse d’Einsiedeln. Doté d’un talent pour la technique, il occupa successivement les postes d’instructeur des frères, sous-prieur et doyen d’Einsiedeln (1846–1855).
Le père Athanasius se distingua également par la fabrication, en 1823, alors qu’il n’était âgé que de 20 ans, d’un nouvel instrument à vent qu’il baptisa «cor à pistons». À 32 ans, il inventa une machine permettant de dessiner des ellipses, des paraboles et des hyperboles. Celle-ci lui servit à concevoir facilement des miroirs concaves paraboliques d’une grande précision.
Soucieux de tordre le cou aux idées reçues, le prêtre s’adressa officiellement aux autorités fédérales à Berne lorsqu’il fut question d’introduire le télégraphe en Suisse. Il bénéficia également du soutien du Conseil d’État du canton de Schwytz, qui recommanda son invention au Conseil fédéral. Ce dernier rejeta toutefois le nouveau système, bien qu’il salua le travail de Tschopp et Theiler. Selon la lettre qui leur fut adressée par Berne, l’invention était jugée trop compliquée. L’exécutif estimait qu’il aurait fallu confier son exploitation non pas à des télégraphistes, mais à des mécaniciens en mesure de refaire fonctionner l’appareil en cas de panne, ce qui arrivait fréquemment.
Quelque temps après, le Département des Postes et Travaux publics créa le premier atelier télégraphique de Suisse et chercha deux chefs d’atelier compétents. Meinrad Theiler d’Einsiedeln, le mécanicien auquel le père Athanasius avait fait appel, brigua le poste de «chef de l’atelier de construction des télégraphes» à Berne. Un lot de consolation potentiel pour le duo, dont les efforts n’auraient alors pas été totalement vains. La candidature de Theiler fut cependant rejetée. On lui proposa à la place le poste quelque peu dégradant de «nettoyeur de batteries», qu’il déclina poliment.
Les travaux de Theiler et Tschopp finirent tout de même par être reconnus en Suisse. Leur typo-télégraphe reçut la médaille de bronze lors de la 3e exposition industrielle suisse à Berne en 1857. Theiler était alors à Londres, et Tschopp aux États-Unis. Peu de temps après, tous deux rentrèrent en Suisse pour des raisons de santé. Theiler postula une nouvelle fois à l’Atelier fédéral de construction des télégraphes, mais sa candidature à un poste d’adjoint fut rejetée malgré son expérience internationale. Il retourna alors à Londres pour y fonder la société «M. Theiler & Sons, Telegraph Engineers». Il décéda en 1873 dans la capitale britannique. Richard Theiler, l’un des fils évoqués dans la raison sociale, fonda par la suite l’Electrotechnische Institut Theiler («Institut électrotechnique Theiler»), qui deviendra l’entreprise Landis+Gyr à Zoug.
Le père Athanasius «pensait à tout», comme le souligne une archive du couvent. Tschopp créa ainsi de nouveaux motifs pour l’atelier de tissage ainsi que de nouveaux modèles pour l’atelier de broderie. Il prêta aussi son concours à l’élaboration artisanale de reliquaires et établit de nouveaux inventaires des biens, mais surtout des revenus du couvent. Il trouva même le temps d’entrer dans les annales en tant qu’auteur de traités de pèlerinage, d’écrits religieux populaires et d’une «Histoire de la Suisse pour les écoles». Il décéda à Einsiedeln en 1882 à l’âge de 79 ans. Le Nidwaldner Volksblatt le qualifia d’«inventeur de génie» dont les inventions n’avaient néanmoins pas été reconnues à leur juste valeur.


