
Max Weber. Une vie mouvementée dans une époque agitée
Pendant toute sa vie, la justice sociale fut le combat de Max Weber: syndicaliste, politicien, économiste. Dans une époque marquée par les extrêmes, il vit avec son temps à sa façon et nombre de ses opinions sont aujourd’hui encore d’actualité.
Malheureusement, cet article est le dernier de Kurt Messmer. Notre contributeur de longue date très apprécié est décédé de manière inattendue le 7 mars 2025. En tant qu’historien, il était non seulement un fin connaisseur de l’histoire suisse, mais aussi un talentueux passeur d’histoire. Depuis 2017, il a publié plus de 50 articles sur le blog du Musée national suisse. Kurt Messmer a fini d’écrire le présent article consacré au conseiller fédéral Max Weber quelques semaines seulement avant son décès. Il s’agit d’une personnalité pour qui la médiation et l’éducation étaient les clés de la coexistence pacifique et qui croyait en «la capacité d’apprentissage de l’être humain». Nous sommes convaincus que Kurt Messmer s’est reconnu dans ces réflexions.
Nous garderons un excellent souvenir de Kurt Messmer.
Nous garderons un excellent souvenir de Kurt Messmer.
Origines
Le pacifiste achète un fusil
Max Weber est âgé de 21 ans lorsque s’achève la Première Guerre mondiale. Dix millions de soldats originaires d’Europe et d’outre-mer ainsi que sept millions de civils ont été tués. Des millions de personnes sont blessées, traumatisées. Au cours de ses études, Weber s’interroge sur le socialisme religieux et le pacifisme. Il s’engage contre la violence politique et militaire. Lorsqu’il constate de visu l’étendue de la destruction et de la mort sur un champ de bataille français, cela conforte ses convictions pacifistes. En 1930, il refuse d’effectuer son service militaire. Exclu de l’armée et condamné à huit jours de prison, Max Weber est désormais un traître à la patrie.
J’ai été et je reste aujourd’hui encore un adepte convaincu du pacifisme mais ce serait un aveuglement de nier que les conditions sont aujourd’hui radicalement différentes.
22 juin 1940. La France est vaincue. La Wehrmacht pénètre dans Paris. «Les événements se précipitent. Il faut s’adapter à leur rythme,» déclare le Conseil fédéral. S’adapter? Deux semaines plus tard, les effectifs de l’armée en service actif sont réduits de 450 000 à 150 000 hommes. Un geste de découragement? Dans ces temps de grand danger, Max Weber adresse une demande à l’armée pour y être réintégré. Le général Guisan la rejette catégoriquement. Weber achète une carabine et s’enrôle dans la défense locale où il servira jusqu’à la fin de la guerre.
Mon idée de la liberté
Une objectivité à toute épreuve
Autant le libéralisme économique à l’état pur n’a jamais existé, autant l’économie planifiée (le marxisme) comme principe absolu n’a aucun avenir.
À la suite de la crise économique mondiale, la situation en Suisse pendant l’année 1936 devient critique. Les chiffres du chômage explosent, les exportations sont sous pression. Comme dans d’autres pays, on envisage une dévaluation de la monnaie. La Banque nationale suisse et le Conseil fédéral refusent d’abord cette mesure, tout comme la majorité du Parti socialiste. Mais pour Max Weber, il est évident qu’une dévaluation du franc suisse pourra stimuler l’économie. «La population suisse n’a plus le moyen d’opter ou non pour une action collective avec l’aide de l’État. Son seul choix réside dans la question de savoir si cette action prendra une voie démocratique ou autoritaire.»
Conclue en 1937 entre patronat et travailleurs, la paix du travail interdisant la grève et le lock-out représente pour Max Weber une capitulation sans condition des syndicats, désormais incapables de se défendre contre la pression exercée sur les salaires. Mais la position de Weber à ce sujet mène à un conflit interne et après avoir travaillé pendant 16 ans comme collaborateur économique, Max Weber démissionne de son poste à la faîtière syndicale suisse. En 1941, il devient secrétaire central et président du syndicat du bâtiment et du bois avant de présider à plein temps l’Union suisse des coopératives de consommation de 1944 à 1951.
L’action oblige davantage que la fonction
Fil rouge pédagogique
Le fil rouge de son existence relie sa foi en une amélioration indispensable de la société à la capacité d’apprentissage de l’être humain.
Ce qui change. Ce qui reste
Justice sociale, formation et culture, non-violence et pacifisme. Max Weber est prêt à payer cher pour ses convictions. Il est emprisonné. Il démissionne de son poste de chef syndicaliste du pays. Il en fait de même au Conseil fédéral. Lorsqu’il voit sa liberté d’action menacée par un régime injuste, il est prêt à renier son pacifisme acharné et prend les armes pour se défendre, défendre ses concitoyens et rétablir son idéal – mais seulement jusqu’au retour des conditions permettant de donner à cet idéal la place qu’il mérite.
La biographie de Max Weber nous confronte à des questions existentielles fondamentales. Les événements historiques ayant marqué sa vie de 1897 à 1974 éclairent les origines de notre société.


