Un commerce millénaire
Première partie d’une série sur le faux-monnayage, une activité aussi ancienne que l’utilisation de monnaie elle-même. En attestent des imitations de pièces datant du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Toutefois, les raisons poussant à contrefaire les moyens de paiement ne sont pas toujours criminelles.
Aux origines de la monnaie métallique, la valeur d’une pièce équivalait environ à la valeur du métal utilisé pour la confectionner. Il n’est donc pas étonnant que les contrefaçons de l’époque étaient fabriquées dans des matériaux meilleur marché, par exemple du bronze recouvert d’une pellicule dorée en lieu et place de l’or. A compter du Ve siècle avant notre ère, l’introduction de pièces frappées – pièces dont la valeur nominale était supérieure à leur valeur matérielle – a nécessité que les faussaires s’adaptent et mettent en circulation des pièces de même poids et réalisées dans le même métal. Conséquence: la détection des contrefaçons s’est complexifiée.
Souvent, la « fausse » monnaie a traversé les siècles sans document ni preuve attestant de son état. Or, pour distinguer la contrefaçon de l’original, il nous faut d’abord connaître l’aspect des pièces en circulation à l’époque, ainsi que les procédés de fabrication. L’identification de fausse monnaie exige donc des connaissances approfondies en numismatique des périodes concernées, des écarts stylistiques comme des différences techniques pouvant aider à repérer les faux.
Qui dit imitation ne dit pas forcément contrefaçon
Même lorsqu’une imitation est identifiée comme telle, elle n’est pas nécessairement une contrefaçon, car cette dernière vise généralement à tromper dans le but de procurer un avantage illégal. Si les différences par rapport au modèle sont repérables au premier regard, même par un œil non aguerri, il est difficile de parler d’intention frauduleuse. Souvent, les pâles imitations répondent à d’autres besoins: ainsi, à l’époque romaine, au nord des Alpes, on a plusieurs fois pallié la pénurie provisoire de petite monnaie en recourant à des imitations produites localement.
Même le bénéfice tiré d’une tromperie réussie ne constitue pas obligatoirement un cas de faux-monnayage. Durant l’Antiquité, à plusieurs reprises, des seigneurs dotés du droit de battre monnaie ont contrefaits eux-mêmes leurs propres moyens de paiement: vers 525 avant Jésus-Christ, le tyran Polycrate de Samos a payé le tribut dû aux Spartiates avec des pièces en plomb dorées sortant de ses ateliers. Athènes aurait elle aussi vers la fin de la guerre du Péloponnèse fabriqué des pièces en cuivre recouvertes d’argent à la place de pièces en argent massif faute de disposer du précieux métal en suffisance.
Des contrefaçons pour les collectionneurs ou les touristes
Les contrefaçons de collection représentent un phénomène relativement récent. Contrairement aux faux contemporains, qui – tant qu’ils ne sont pas découverts – circulent comme moyen de paiement, ces contrefaçons visent à tromper des collectionneurs numismates. Sont concernées les pièces historiques, qui possèdent souvent une grande valeur de collection. Il n’est pas rare que ces faussaires disposent de connaissances en numismatique approfondies et actualisées. C’est la raison pour laquelle les faux de bonne facture peuvent être découverts tardivement, lorsque le niveau de la recherche sur la monnaie en question a progressé. Ainsi, le faussaire Carl Wilhelm Becker (1772–1830) a contrefait des pièces siciliennes antiques dans un style remarquable pour l’époque (voir photo). Cependant, autrefois, les spécificités techniques de la frappe de grandes pièces de monnaie en argent telle que pratiquée en Sicile étaient encore peu respectées. Becker a donc gravé ses décadrachmes de Syracuse sur des flans monétaires avec une bordure relativement régulière, tandis que les authentiques décadrachmes portent, en raison du procédé de fabrication basé sur un moule en chapelet, des traces de tenons de coulée à deux emplacements diamétralement opposés. (voir p. ex. l’original au Cabinet de la monnaie à Berlin).