Devant-d’autel de l’église paroissiale de Torslunde, 1561. Peintre inconnu. Musée national du Danemark

Les querelles de la Réforme

Les reformateurs Luther et Zwingli s'accordent que l'Église doit être renouvelée. Leurs divergences quant à l'Eucharistie restent toutefois insurmontables.

Alexander Rechsteiner

Alexander Rechsteiner

Alexander Rechsteiner a étudié l'anglais et les sciences politiques et dirige le département Marketing & Communication du Musée national Zurich.

Pompe, pouvoir, corruption : durant le Moyen Âge, l’Église catholique contrôle la vie quotidienne en Europe, ici-bas comme dans l’au-delà. Elle fait tout pour rappeler aux êtres humains qu’ils sont mortels. Pour ne pas aller en enfer, il faut prendre des mesures de son vivant en faisant pénitence ou en payant. Aux yeux des réformateurs, le commerce des indulgences, la remise des péchés contre de l’argent, mais également la vénération des saints, ou encore le fait que les charges ecclésiastiques puissent être achetées, sont insupportables. La Réforme aspire à un renouvellement de l’Église et prône un retour à la vraie foi, propagée par la seule parole de Dieu.

La publication des thèses de Martin Luther (1483–1546) sur le commerce des indulgences, le 31 octobre 1517, est considérée comme l’acte déclencheur de la Réforme. Sur le territoire de la Suisse actuelle, c’est Ulrich Zwingli (1484–1531) qui, à Zurich, est à l’origine de la Réforme. En 1519, il devient prêtre au Grossmünster de Zurich. Il dirige la publication en 1531 de la première Bible complète en allemand. Les fidèles peuvent de la sorte, pour la première fois, entendre la parole de Dieu dans leur propre langue. Ainsi, un des principaux objectifs de la Réforme est atteint, la Bible étant considérée comme la seule vraie autorité. En conséquence, les figures de saints, les tabernacles et les retables sont retirés des églises de manière à ce que rien ni personne ne détourne l’attention de la parole de Dieu.

Portrait Ulrich Zwingli, Hans Asper, 1549, Zurich. Huile sur bois. © Zentralbibliothek Zürich, Grafische Sammlung

Portrait Martin Luther, Lukas Cranach d.Ä., 1528. huile sur bois. Photo: Wikimedia

Querelle autour de l’Eucharistie

Des sept sacrements de l’ancienne Église, seuls deux, le baptême et l’Eucharistie, sont mentionnés dans les Écritures saintes. Les réformateurs suppriment donc les cinq autres. Martin Luther et Ulrich Zwingli sont d’accord sur ce point. Toutefois, d’autres questions ne tardent pas à diviser ces deux personnages ainsi que leurs partisans respectifs. Le point crucial est la question de la signification de l’Eucharistie. Pour nous, au XXIe siècle, il est difficile de s’imaginer que les réformateurs se soient affrontés sur la question de la présence physique de Jésus-Christ durant l’Eucharistie. Pour Zwingli, il s’agit d’un acte symbolique, une commémoration du souvenir. Pour Luther, le pain et le vin partagés durant l’Eucharistie sont véritablement le corps et le sang du Christ.

Malgré le fait que la Réforme refuse la présence de toute image dans ses lieux de culte, des peintures sont réalisées dans le but de propager les nouvelles idées. Un devant-d’autel de 1561 de Torslunde, au Danemark, montre comment Luther conçoit la pratique de l’Eucharistie : une femme et un homme agenouillés reçoivent des mains du prêtre du pain et une gorgée de vin. Il ne s’agit pas de pain ordinaire mais d’une hostie consacrée. Le prêtre dépose l’hostie directement dans la bouche de la femme. Il existe également une représentation de l’Eucharistie selon Zwingli. Elle provient d’un livre rédigé par Zwingli et consacré à ce sujet. La première image montre Jésus entouré de ses disciples lors de la Cène. Il n’y a pas d’hostie, le pain est déposé dans les mains des croyants.

À l’occasion de leur seule rencontre, le Colloque de Marbourg de 1529, les réformateurs tentent de se rapprocher sur la question de l’Eucharistie. La tentative échoue. La rupture entre la Réforme luthérienne et la Réforme suisse est définitive. Le fait qu’il y ait en Europe et en Suisse une Église réformée et une Église luthérienne témoigne encore aujourd’hui de la querelle sur l’Eucharistie. La communauté luthérienne est en Suisse très modeste, à la différence de celles d’Allemagne du Nord et de Scandinavie. Grâce à Zwingli et Calvin, le rite réformé est dominant en Suisse.

Image tirée du livre de Zwingli consacré à l’Eucharistie, 1525. Image: Zentralbibliothek Zürich

Dieu et les images. Questions contro­ver­sées de la réforme

2. février - 15. avril 2018
Musée national Zurich

Au début de l’année 1519, Ulrich Zwingli devient prêtre à Zurich et déclenche la Réforme en Suisse. Après cinq siècles, la Réforme reste un des événements les plus marquants de l’histoire suisse. La querelle autour de la vraie foi est au centre de l’exposition du Musée national de Zurich qui met en lumière l’émergence d’une nouvelle confession. Des films d’animation, crées spécialement pour l’exposition, font revivre les histoires et les conflits de l’époque. Projet réalisé dans le cadre de zh-reformation.ch.

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