Dans les années 1940, le magazine Lectures du Foyer publiait des conseils pratiques pour la maison. Ici, comment nettoyer un miroir avec du savon.
Musée national suisse/ASL

Des mots et des images

Quel est le plus important: le texte ou l’image? Aujourd’hui encore, le débat n’est pas tranché. Mais le passé nous montre que ces deux formes de communication forment un duo presque parfait.

Andrej Abplanalp

Andrej Abplanalp

Historien et chef de la communication du Musée national suisse.

«Une image vaut plus que mille mots»: lorsque le publiciste américain Fred Barnard écrivit cette phrase au début du XXe siècle, il ne se doutait pas de ce qu’il allait déclencher. Car le précepte est toujours en vogue dans notre société. En fait, Barnard cherchait seulement à multiplier les affiches publicitaires dans les tramways ; il avouera plus tard avoir eu recours à une astuce et fait passer son slogan pour un proverbe chinois.

Quel est plus important de l’image ou du mot? Dans le marketing et surtout dans le journalisme, la question fait toujours débat depuis des décennies. On pourrait d’ailleurs philosopher pendant des jours et des jours sur le sujet. Mais sur le fond, les deux ne sont-ils pas nécessaires pour que l’information soit complète? Une photographie sans légende est difficile à pénétrer, et un texte sans illustration s’apparente à un désert de lettres. L’alliance des mots et des images ne se contente pas de donner efficacement du relief aux reportages politiques ou aux interviews de star ; texte et photos se combinent avec le même bonheur pour les sujets on ne peut plus banals.

Saviez-vous? L’ivoire se nettoie avec un pinceau et du lait. Une astuce du magazine Lectures du Foyer, dans les années 1940.
Musée national suisse/ASL

Saviez-vous? Pour bourrer les chaussures humides, rien ne vaut le papier journal! Une astuce du magazine Lectures du Foyer, dans les années 1940.
Musée national suisse/ASL

Une série d’articles publiée par le magazine Lectures du Foyer dans les années 1940 nous en offre un bon exemple. Intitulés «Saviez-vous?», ils donnaient au lecteur des conseils pratiques pour la maison, photographies et explications à l’appui. Plébiscitées par les lecteurs, ces astuces étaient aussi une rubrique régulière dans d’autres magazines. Lectures du Foyer était publié par les éditions Zürcher Verlag Conzett & Huber et en s’abonnant le lecteur s’assurait contre le manque de lecture, mais aussi contre les accidents. Un modèle d’affaires qui avait été inventé en Grande-Bretagne puis s’était propagé en Allemagne et en Suisse.

L’entreprise, qui devait devenir l’éditeur du célèbre magazine culturel DU, était dirigée par la Zurichoise Verena Conzett-Knecht, une défenseuse des droits de la femme. Au début du XXe siècle, il lui avait semblé primordial d’associer assurance et magazine dans la mesure où il n’existait pas encore de protection obligatoire contre les maladies et les accidents. Celle-ci n’a été instaurée qu’en 1912 à l’issue d’une votation. Toutefois, regrouper distraction et protection en un seul produit obéissait aussi à des motivations économiques, car la combinaison permettait autant de gagner des clients que de les fidéliser.

On peut se poser la question de savoir si ces conseils pratiques étaient une campagne déguisée de prévention des accidents domestiques visant à réduire le coût des prestations d’assurance. On n’en sait rien. En tout cas, une chose est sûre: Verena Conzett-Knecht et les autres éditeurs s’étaient vite rendu compte que leurs rubriques rencontraient un plus grand succès lorsqu’elles relayaient leurs informations en s’appuyant sur des formes complémentaires de communication.

Portrait de Verena Conzett-Knecht vers 1930.
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