
«Adieu mon cher et beau pays!»
Le 17 août 1874, cinq sœurs bénédictines quittèrent le couvent Maria Rickenbach (NW) pour émigrer dans le Midwest américain. Sœur Maria Beatrix Renggli (1848-1942) livra un récit détaillé de ce voyage.
Bénédictins et Bénédictines suisses aux États-Unis
Postulat dans la communauté bénédictine
Le postulat est une période d’initiation à la vie dans la communauté bénédictine qui dure une année, à l’issue de laquelle la postulante reçoit l’habit et commence le noviciat. À la fin du noviciat d'un an, elle prononce ses vœux pour devenir professe.
De Niederrickenbach à Maryville
À Bâle […], nous prîmes congé de notre chère patrie, du pays des alpages, de ce pays si riche de lieux saints, sources d’un inépuisable déferlement de grâce sacrée! Adieu mon beau pays! Adieu ma chère patrie! Adieu ma mère et mes sœurs! Que Dieu protège ce pays que nous ne reverrons probablement jamais, et toutes les personnes qui nous sont chères et dont nous serons sûrement à jamais séparées!
Beatrix Renggli rapporta également d’autres événements extraordinaires survenus en haute mer, notamment un cargo en détresse à cause d’une tempête, à qui l’équipage de l’Oder porta secours.
Mais en dépit de ces épreuves bien loin du quotidien au couvent, la nonne dépeignit la traversée de l’Atlantique sous un jour extrêmement positif dans son journal, et pas seulement en raison de ses privilèges à bord. En effet, elle décrivit en détail la manière dont les passagers passèrent le temps à partir du 29 août 1874 lorsque le beau temps fit enfin son retour. Les voyageuses et voyageurs se réunissaient sur le pont ouvert pour se distraire en jouant ou bavarder gaiement, ou pour admirer l’horizon et le bleu profond de l’océan avec sa faune variée. Il est permis de penser que son compte-rendu positif ait aussi eu pour objectif de rendre l’émigration et la traversée attrayantes pour les sœurs restées au couvent Maria Rickenbach.
Sa perception de New York, en revanche, se révéla un peu plus négative. Le 31 août 1874, l’Oder accosta sur la rive de l’Hudson River et les religieuses foulèrent le sol américain pour la première fois. Immédiatement confrontée aux proportions surdimensionnées de la ville, sœur Beatrix se sentit perdue dans le tumulte et le bruit et ressentit une vive nostalgie en pensant au silence et à la sérénité de son couvent.
Le journal de voyage décrit en détail le contraste entre la culture d’origine et la culture indigène, entre la patrie et le pays étranger, montrant ainsi que sur cette nouvelle terre, les femmes furent confrontées à de nombreuses situations qui leur étaient inconnues. La Bénédictine prenait toujours le couvent-mère comme point de comparaison pour tenter d’établir un lien entre ses expériences et son pays d’origine, peut-être parce qu’elle souffrait du mal du pays, ou tout simplement pour que les lecteurs suisses puissent mieux saisir ce qu’elle vivait. Comme elles ne comprenaient pas la langue, la communication fut le plus grand défi des nouvelles venues. Elles durent même renoncer à leur objectif d’ouvrir une école germanophone à Maryville. Elles se mirent à accorder beaucoup plus d’importance à la maîtrise de la langue anglaise aux États-Unis qu’à celle de la langue allemande. Si parmi les religieuses, quelques-unes eurent du mal à s’adapter à la culture et à la langue étrangères, ce ne fut pas le cas de Beatrix Renggli, qui apprit l’anglais rapidement et put commencer à enseigner. En raison d’un conflit au sein de leur groupe, elle partit s’installer peu de temps après son arrivée à Conception, une ville voisine, avec les sœurs Adela et Anselma pour y diriger une école.


