Affiches primées
Le 18 mai, le magazine Werbewoche désignera le ou la publicitaire 2017. De 1941 à 2001, les meilleures affiches de l’année ont été récompensées par un jury mandaté par le Département fédéral de l’intérieur (DFI). L’occasion de se remémorer quelques-unes des plus belles créations que compte la collection du Musée national suisse.
« Erholung mit einem Buch »
En 1954, la première affiche pour livres de Celestino Piatti faisait partie des 28 travaux primés.
Du lecteur, on ne voit que le nez, un œil, la pipe fumante et la main qui tient un livre ouvert. Il est assis dans une chaise longue, au grand air. Le bleu du ciel transparaît derrière les lignes du nez et de la main. Le livre est figuré par un aplat d’un blanc éclatant, tandis que la chaise longue est symbolisée par trois bandes rouges et deux blanches.
La mention « Erholung mit einem Buch » est inscrite au bas de l’image, avec le mot « Buch » qui attire l’œil et explique l’affiche. Au premier regard. Avec des moyens graphiques rudimentaires et une dose d’humour, le graphiste impose son message publicitaire.
La Schweizer Buchhändler- und Verleger-Verband (SBVV) pourrait-elle aujourd’hui encore proposer une publicité pour les livres qui montre un lecteur caricatural fumant la pipe, allongé dans une chaise longue aux rayures bicolores? Sans doute pas. Mais en 1954, c’était possible pour Celestino Piatti.
Les affiches pour livres jalonnent le parcours artistique de cet illustrateur talentueux comme un fil rouge pendant quatre décennies. Avec Donald Brun, Herbert Leupin, Josef Müller-Brockmann et Ruedi Külling, Celestino Piatti fait partie des graphistes dont les affiches ont été le plus souvent primées par le DFI. Pendant la période où il travaillait pour le Deutscher Taschenbuch Verlag (dtv), il comptait même parmi les représentants les plus renommés de la discipline en Europe.
En représentant son lecteur dans une chaise longue, Celestino Piatti adresse également un clin d’œil à l’affiche d’Alois Carigiet récompensée l’année précédente, montrant une femme allongée dans un transat rouge, entourée d’un paysage de montagnes, et qui fait la promotion de la Suisse comme destination de vacances via le message: « repos et détente en Suisse » – « für geruhsame Ferien die Schweiz » – « vacance riposanti in Svizzera » – « rest and relax in Switzerland ». A noter qu’Alois Carigiet s’était lui-même inspiré de la célèbre Passagère du 54 d’Henri de Toulouse-Lautrec.
Le rapport annuel 1953 de l’Office national suisse du tourisme (ONST) nous apprend que l’affiche touristique d’Alois Carigiet a été imprimée dans cinq langues (fr., all., ital., angl. et esp.) pour un tirage total de 15 000 exemplaires. Elle est sortie en format anglais (64 x 102 cm), afin de pouvoir être suspendue dans les bureaux de l’ONST à l’étranger. A cela s’ajoutent 20 000 exemplaires en petit format.
Alois Carigiet et le coq PKZ
Connu aujourd’hui surtout pour ses livres pour enfants Une cloche pour Ursli et Flurina, Alois Carigiet fait lui aussi partie des meilleurs graphistes suisses dans le domaine des affiches. Peintre décorateur de formation, il réalise entre 1928 et 1959 plus d’une centaine d’affiches où il donne la pleine mesure de son humour, de son imagination et de l’acuité de son message. Elles représentent des animaux anthropomorphes, sa véritable signature. L’un des plus célèbres est le coq PKZ (1935) qui toise les passants avec son veston bleu ciel, sa canne et ses gants. On imagine facilement l’impact de ces affiches colorées qui ornaient les colonnes et les panneaux des années 1930: elles n’étaient alors concurrencées ni par les photos couleur, ni par les spots TV, ni a fortiori par la publicité en ligne! A cette époque, les familles venaient se balader le dimanche pour admirer les nouvelles affiches posées à Bellevue Square et Central.
L’OLMA et le stylo-bille
Puisque nous en sommes au thème du coq en publicité, restons-y! Ruedi Külling choisit lui aussi de représenter le volatile sur une autre affiche primée, réalisée pour l’OLMA 1990 et adresse ainsi un clin d’œil aux animaux musiciens de Brême.
Ruedi Külling avait d’ailleurs déjà pensé au motif du coq qui chante pour l’OLMA 1965. La collection des Estampes et gravures du Musée national contient de nombreuses ébauches et esquisses du célèbre dessinateur. Toute une basse-cour! Ruedi Külling n’a finalement pas soumis sa proposition.
Ruedi Külling fit fureur en 1961 avec son affiche faisant la promotion du stylo-bille bon marché de Bic, une nouveauté à l’époque. Son idée géniale consista à jouer avec le nom même du produit, en le griffonnant sur une feuille de papier avec un Bic. Rapidement et sans faire de pâtés, contrairement à ce qui se passait quand on utilisait les stylos-plume en usage à l’époque. Le graphisme de l’affiche est extrêmement minimaliste, réduit à l’essentiel.
Icônes de l’affiche d’art en suisse
Ruedi Külling a fait imprimer presque toutes ses affiches à l’Institut graphique J. E. Wolfensberger, à Zurich, sur des presses offset modernes, en service depuis 1956. Ruedi Wolfensberger, ancien directeur de l’imprimerie, avait pour sa part commencé à travailler sur des presses lithographiques datant de 1905.
L’histoire de l’affiche d’art en Suisse est étroitement liée à celle de la famille Wolfensberger, notamment à celle du fondateur de l’entreprise, Johann Edwin Wolfensberger, qui en fut l’un des principaux promoteurs. Les pionniers de cette discipline dans notre pays, le Bâlois Burkhard Mangold, le Zurichois Otto Baumberger et le Bernois Emil Cardinaux, firent partie de ses collaborateurs de la première heure.
L’affiche touristique d’Emil Cardinaux pour le Palace Hotel de St-Moritz (1920), réalisée sur une presse lithographique de 1905, et celle de Cuno Amiet pour le buffet de la gare de Bâle (1921) comptent parmi les icônes de l’affiche d’art en Suisse. Très nombreuses dans la collection du Museum of Modern Art de New York, elles étaient autrefois réputées dans le monde entier.
Le gentil lutin
Le Knorrli est sans doute le personnage publicitaire le plus célèbre de Suisse. Pour le créer, le peintre et graphiste Hans Tomamichel s’est inspiré d’un sympathique lutin vivant dans les montagnes surplombant son village natal de Bosco Gurin, au Tessin. Les premiers dessins remontent à 1947. Quant aux affiches des années 1950, elles ont été elles aussi réalisées sur les vieilles presses lithographiques Wolfensberger. Bien que n’ayant jamais été primées, elles comptent parmi les préférées du public.