Lors du dernier procès pour sorcellerie d’Europe occidentale, Anna Göldi est décapitée le 13 juin 1782 à l’âge de 48 ans. On estime qu’en Suisse, la chasse aux sorcières a fait environ 10'000 victimes.
Au Moyen Age, les divergences par rapport à la doctrine de la foi de l’Eglise catholique romaine sont taboues. Durant les années 1230, le Pape ordonne une première Inquisition dans le sud de la France. Quelque 200 ans plus tard, celle-ci prend pour cible la secte des vaudois sur le territoire de la Confédération. Cette secte, qui critique le clergé à Fribourg, aspire à un renouveau spirituel et social. En 1399 et 1430, ses membres sont passés à la question par l’inquisiteur épiscopal et condamnés à des amendes, à des peines d’emprisonnement et même, pour l’un d’entre eux, à mort. Ces procès des vaudois marquent l’établissement en Suisse romande d’une Inquisition qui, plus tôt que dans le reste de l’Europe, est dirigée contre les prétendues « sorcières ». De soi-disant sorciers et sorcières ont été persécutés par les autorités temporelles bien avant l’appel lancé par le dominicain Henricus Institoris dans son Marteau des sorcières (ou Malleus Maleficarum) en 1487.
Même après la Réforme, les détracteurs de la foi et les personnes d’autres confessions sont exclus et persécutés jusqu’au siècle des Lumières. Les anabaptistes, les sorcières et les Juifs sont particulièrement visés. Bon nombre d’entre eux, jugés hérétiques, sont brûlés vifs sur le bûcher. Les anabaptistes s’attirent la colère des autorités, car ils refusent de leur prêter serment. Quant aux sorcières, elles sont exécutées car on les soupçonne d’avoir pactisé avec le diable.
Comme ailleurs, le nombre de procès pour sorcellerie a fortement augmenté sur le territoire de la Suisse actuelle, aussi bien en terre catholique que protestante, aux alentours de 1580 et n’a diminué que vers le milieu du XVIIe siècle. Selon Ulrich Pfister, cela s’explique d’une part par des crises, et d’autre part par le caractère encore fragile de la doctrine ecclésiastique après la Réforme et par la faible centralisation de l’Etat. Les procès avaient souvent pour origine des conflits de voisinage ou des disettes. Des aveux extorqués sous la torture et des témoignages douteux ont entraîné la mort de milliers de personnes. Seule une partie des condamnés était envoyée au bûcher, la décapitation à l’épée était également répandue.
La dernière victime de la chasse aux sorcières en Europe occidentale est Anna Göldi, la servante du landamman glaronnais Tschudi, qui a été exécutée le 13 juin 1782. On l’a accusée d’avoir empoisonné la deuxième fille, alors âgée de huit ans, de son employeur Johann Jakob Tschudi-Elmer, médecin, homme politique et juge.
Vol des « vaudoises » (ici des sorcières, à l’origine des vaudoises) sur leur balai, miniature dans un manuscrit de Martin Le Franc, Le Champion des dames, 1451. Photo: Wikimedia
Les femmes sont accusées d’avoir été séduites par le diable. Beaucoup d’entre elles avouent sous la torture que le démon leur aurait promis l’amour et le mariage. Ulrich Molitor: De laniis et phitonicis mulieribus, Reutlingen, vers 1490. Photo: Wikimedia
Sabbat de sorcières, 1560-1571. D’après les rumeurs, les sorcières célébreraient des orgies démoniaques avec Satan. Derrière le diable suprême assis sur le trône, une sorcière « cuit » du mauvais temps dans son chaudron. Johann Jakob Wick, Wickania (collection d’imageries populaires), Zurich. Photo: Bibliothèque centrale de Zurich, Ms. F 19, f. 147v
Le Marteau des sorcières. Ce traité écrit par un moine dominicain cimente l’image de la sorcière et fournit des arguments pour la persécuter. Il servira de base à plus de 100'000 procès pour sorcellerie instruits en Europe occidentale contre des femmes généralement marginales, mais aussi des hommes. Couverture du Malleus Maleficarum. Cologne: Heinrich von Neuss, 1511. Photo: Fondation des œuvres de C. G. Jung, Zurich
Entre le XVe et le début du XVIIIe siècle, les « sorcières » subissent la question. Mais les personnes d’autres confessions sont elles aussi contraintes de passer aux aveux à l’aide d’instruments de torture. Vis à pouce, non datée. En fer. Photo: Musée national suisse
L’employeur d’Anna Göldi lui reproche d’avoir voulu tuer sa fille, Annamiggeli. L’enfant aurait vomi plus de 100 aiguilles, clous et fils de fer en novembre 1781. Lehmann, Heinrich Ludwig: Freundschaftliche und vertrauliche Briefe, den so genannten sehr berüchtigten Hexenhandel zu Glarus betreffend. Zurich, 1783. Photo: Bibliothèque centrale de Zurich
Anna Vögtli – histoire d’une sorcière
Luzern, Korporation Luzern, S 23 fol., p. 119-121. Chronique illustrée du Lucernois Diebold Schilling: e-codices.unifr.ch
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