
Moi, Jakob Leonhard, héros de guerre…
Jakob Leonhard a combattu le fascisme durant la guerre d’Espagne. C’est en tout cas ce qu’il prétend… L’histoire mystérieuse d’un chauffeur de taxi zurichois qui partit pour revenir en héros.
Documentaire télévisé sur la guerre civile espagnole. YouTube
Ses relations avec ses collègues de travail sont elles aussi compliquées. «Ses collègues ne l’aimaient pas. Il avait plus d’ennemis que d’amis», rapporte Hans Raus, à la tête de l’entreprise de taxis ayant employé Leonhard pendant près de trois ans. Il faisait volontiers passer ses intérêts en premier. Cependant, «à son poste, il me donnait entière satisfaction».
«On partit en catimini: Genève-Paris-Cebres-Barcelone pour tout de suite arriver sur le front de Huesca, en Catalogne. C’est là que j’ai reçu mon baptême du feu. Très vite, on me confia une compagnie de mitrailleurs avec laquelle je me livrais presque quotidiennement à des escarmouches, des affrontements et assez souvent aussi, à de rudes combats.»
À son retour en Suisse, quelques mois plus tard, il passe devant un tribunal militaire qui l’expulse de l’armée et le condamne à huit mois de prison, peine qui sera par la suite réduite d’un mois. Leonhard est profondément humilié, lui qui a combattu en Espagne au nom de la liberté et de la démocratie…
«Un jour, alors que, quittant Berlin, je voulais retourner en Espagne en passant par Lindau, je fus arrêté à Romanshorn, jugé pour “atteinte à la puissance défensive du pays” et condamné à sept mois de prison. Belle leçon! Je brûlais de prouver qu’un chauffeur espagnol n’est pas nécessairement un mauvais Suisse, bien au contraire! Ce sont mes convictions politiques plus que ma soif d’aventure qui m’ont mené en Espagne.»


«Je n’ai jamais été blessé, je n’ai jamais tenu une arme. Je ne voulais pas rentrer dans l’armée comme chauffeur et je ne voulais certainement pas servir en Espagne.»
Il simule même pour ne pas avoir à combattre.
«Début mars, lorsque l’air de Barcelone s’est chargé de bruissements révolutionnaires, je me suis rendu chez un médecin pour lui raconter mon histoire et lui demander conseil. Il m’a orienté vers l’hôpital général de Catalogne en raison d’une appendicite. J’y suis resté du 25 mars au 6 juillet sans interruption. En réalité, je n’ai manqué de rien.»
«J’ai envoyé à mademoiselle Künzler deux ou trois lettres depuis l’Espagne. Une ou deux depuis l’hôpital, me semble-t-il. Je lui ai écrit que j’étais hospitalisé pour une blessure, que j’avais reçu une balle dans le ventre. J’ai raconté la même chose à ma femme. Je lui ai dit que je lui écrivais juste après un bombardement à Barcelone, que j’avais combattu à Madrid et que j’étais en congé à Barcelone.»
Des cartes postales en guise de preuves
Ses «dons» de menteur lui valurent d’être emprisonné en 1937. Dans les années 1940, ils le menèrent presque au billot. Mais ceci est une autre histoire…

Dans la deuxième partie, vous verrez comment Jakob Leonhard, l’imposteur, devint un agent double fournissant de fausses informations qui le conduisirent à être condamné à mort. Pendant des semaines, sa vie ne tint plus qu’à un fil…


