
Secrets de carte
Cartes secrètes, interdictions de vente et retouches: plusieurs mesures ont été prises dans le domaine de la cartographie suisse pour protéger les secrets militaires.
Deux cartographies, l’une officielle et l’autre secrète

Peu après le début de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939, le commandant en chef de l’Armée suisse Henri Guisan constata «que certains manifestaient un intérêt pour les cartes suisses qu’il convenait de surveiller». Cette observation ne tombait pas du ciel: l’état-major suisse avait déjà soupçonné la Wehrmacht en mai 1939 de commander des cartes suisses via une adresse de couverture à Berlin. Guisan s’inquiétait par ailleurs du fait que les réserves de cartes suisses «ne suffisent pas pour répondre aux besoins exceptionnels de réapprovisionnement, ni même pour fournir un second lot de nouvelles cartes aux états-majors et unités autorisés.» Pas de guerre possible sans connaissance du terrain: toute carte disponible devait donc être réquisitionnée et remise à l’armée au nom d’une stratégie défensive.
En octobre 1939, le Conseil fédéral réagit à la pénurie de cartes et au problème de la confidentialité en interdisant la vente et l’exportation des cartes de la Suisse à l’échelle 1:1'000'000 ou supérieure. La reproduction d’informations cartographiques fut également interdite dans les livres, les journaux et même sur les cartes postales. Ces mesures, qui revenaient à une opération de grande envergure de censure des cartes, ne furent levées qu’à l’été 1945, à la fin de la guerre.
La dissimulation des données classées secrètes pendant la Guerre froide
Après 1945, la stratégie de confidentialité cartographique consista plutôt à dissimuler de manière ciblée les installations militaires importantes. Les aérodromes militaires, barrages antichars, usines d’armement et autres équipements stratégiques disparurent des cartes.

Avec ou sans chalet?
Déjà pendant la Guerre froide, certains commencèrent à émettre des doutes sur l’efficacité de la dissimulation cartographique. C’est finalement une avancée technologique qui fut à l’origine d’un changement de pratique: vers 1990, la télédétection par satellite était si aboutie que cela avait de moins en moins de sens de dissimuler des objets sur une carte. S’obstiner dans cette pratique aurait même pu se révéler contre-productif en attirant l’attention précisément sur les objets manquants sur la carte. Par conséquent, de nouvelles ordonnances et directives basées sur un principe de visibilité furent adoptées à partir de 1991. Cela signifiait que si des installations étaient visibles à la surface de la Terre, elles devaient figurer sur une carte. Ce principe s’avéra bel et bien valable puisqu’il est encore appliqué aujourd’hui.
Espace et temps
Cet article avait été publié initialement dans la rubrique «Espace et temps» du site de l’Office fédéral de topographie swisstopo. Des chapitres passionnants de l’histoire cartographique y sont régulièrement présentés.


