
Le médecin emmentalois qui faisait des miracles
C’est grâce à ses méthodes parfois peu conventionnelles que Michel Schüppach s’est fait connaître au XVIIIe siècle comme médecin faiseur de miracles et docteur des montagnes bien au-delà des frontières de l’Emmental.


Barbier chirurgien
Au Moyen-Âge déjà, la formation médicale faisait partie du métier de barbier chirurgien qui, en plus de soigner la barbe et les cheveux ainsi que de prodiguer d’autres soins corporels, traitait également blessures et maladies. Les services des chirurgiens de campagne, en particulier, étaient si demandés qu’ils étaient souvent et volontiers admis au sein de l’armée. La qualité de la formation variait néanmoins en fonction des connaissances des maîtres d’apprentissage, mais aussi du talent et de l’ambition des élèves.
À mi-chemin entre chimie et médecine naturelle
L’Emmentalois a continué d’apprendre toute sa vie durant. Il s’y connaissait aussi bien en médecine naturelle qu’en chimie. Il préparait lui-même la plupart de ses alcoolatures et sirops médicinaux et leur donnait parfois des noms étranges comme «Blüemliherz» (cœur de fleur), «Freudenöl» (huile de joie) ou «liebreicher Himmelstau» (manne délicieuse). Michel Schüppach tenait également un journal méticuleux sur ses patientes et patients et leurs maux tout comme sur les traitements qu’il administrait et les médicaments qu’il prescrivait.
Pionnier du tourisme
Cependant, tout le monde n’admirait pas le «faiseur de miracles» de l’Emmental, bien au contraire. L’un de ses plus grands détracteurs était Albrecht von Haller (1708-1777), médecin et naturaliste bernois de renom. Sans jamais avoir rencontré Schüppach, il qualifiait le praticien de Langnau de «camelot» et fondait avant tout ses opinions sur les rapports de Jakob Köchlin. Ce dernier, également médecin, était originaire d’Alsace et avait rendu visite à Schüppach, le «paysan de Langnau», en 1775.
Toutes ces critiques n’ont toutefois en rien entaché la popularité du médecin des montagnes. Lors des plus fortes affluences, il recevait entre 80 et 90 patientes et patients dans son petit cabinet. Souvent, ses hôtes restaient une nuit ou même plusieurs jours. En 1733, Schüppach acheta l’Auberge Bären à Langnau pour pouvoir y travailler et offrir en même temps un hébergement. En 1739, il fit construire son établissement de cure, ainsi qu’une maison et un laboratoire. Schüppach s’était créé un petit empire et, en passant, avait ainsi marqué le début du tourisme dans la région de Langnau.
Malgré ses nombreux succès médicaux, le «faiseur de miracles» de l’Emmental était un enfant de son temps et se montrait, à l’instar d’une grande partie de sa clientèle locale, très attaché aux superstitions. Son cabinet de Langnau renfermait notamment les médicaments qui vont de pair avec une telle vision de la médecine, comme de la poudre de pierres précieuses, des araignées, des crapauds ou même la corne d’une «licorne» (dent de narval).


Ce n’est qu’après deux rappels à l’ordre qu’il obtint en 1746 la maîtrise de la Bernische Chirurgische Societät et put désormais porter le titre de «Medicinae et Chirurgiae Practico».
Michel Schüppach ne semble pas avoir lui-même beaucoup suivi les conseils médicaux qu’il donnait à sa clientèle. Ainsi, les images contemporaines et les descriptions de ses hôtes le dépeignent comme un homme plutôt obèse et flegmatique, qui recevait généralement les malades, assis dans son fauteuil. Il mourut d’une attaque cérébrale à l’âge de 74 ans et tomba ensuite dans l’oubli pendant longtemps.


