Le premier téléphérique de Suisse prévu pour monter à près de 3700 mètres d’altitude avait tout d’un véritable ascenseur. Illustration de Marco Heer.
Le premier téléphérique de Suisse prévu pour monter à près de 3700 mètres d’altitude avait tout d’un véritable ascenseur. Illustration de Marco Heer.

Naissance du premier téléphérique

Un ascenseur pour une envolée de près de 3700 mètres vers le Wetterhorn: c’est ce dont rêva un ingénieur au début du XXe siècle. Son rêve devint en partie réalité et ainsi naquit, en 1908, le premier téléphérique de transport de passagers en Suisse.

Katrin Brunner

Katrin Brunner

Katrin Brunner est une journaliste indépendante, spécialisée dans l'histoire et chroniqueuse de Niederweningen.

L’ascenseur du Wetterhorn à Grindelwald fut mis en service le 27 juillet 1908, devenant le premier téléphérique public de transport de passagers en Suisse. En fait, il ne s’agissait que de la première des quatre sections prévues pour atteindre le Wetterhorn culminant à 3692 mètres, mais cela n’en suscita pas moins l’enthousiasme des professionnels. Le guide touristique «Baedeker» qualifia alors de «remarquable» cette conquérante ascension de près de 9 minutes au-dessus du Glacier supérieur qui, à l’époque, arrivait encore jusqu’à l’hôtel Wetterhorn. Le «Techniker Zeitung», pour sa part, le célébrait, un an après son ouverture, comme le «…premier transport par câble aérien au monde…».
Le premier téléphérique suisse pour le transport public de passagers au Wetterhorn en 1909.
Le premier téléphérique suisse pour le transport public de passagers au Wetterhorn en 1909. ETH Bibliothek Zurich
Ce n’est pourtant pas un Suisse qui en eut l’idée, mais un ingénieur allemand du nom de Wilhelm Feldmann, qui déménagea à Berne avec sa famille au début du XXe siècle. En 1901, il avait déjà réalisé à Wuppertal un ambitieux projet de train suspendu en collaboration avec l’entrepreneur Eugen Lange. Wilhelm Feldmann est décrit comme un homme acharné, une ténacité qui lui a été particulièrement utile pour l’élaboration de son projet de téléphérique au Wetterhorn. Bien décidé à trouver un moyen de «substituer» aux rails une ligne câblée, il voulait bâtir un système sans voie ni pylône permettant de survoler le Glacier supérieur. Compte tenu de la déclivité de 116 %, cela promettait d’être plus un ascenseur qu’un train suspendu. Il fut alors surnommé l’«ascenseur du Wetterhorn», prouesse impensable pour la plupart de ses contemporains.
Comme il n’existait aucun document officiel pour un tel moyen de transport, on s’inspira temporairement d’une concession automobile.
Comme il n’existait aucun document officiel pour un tel moyen de transport, on s’inspira temporairement d’une concession automobile. Archives fédérales suisses
Lors de son ouverture, l’ascenseur du Wetterhorn fut ainsi le premier téléphérique conçu uniquement pour le transport de passagers en Suisse. Wilhelm Feldman lui donna le meilleur des équipements de sécurité, dont deux systèmes de freinage distincts avec frein de chariot, un dispositif de coupure automatique du courant en cas de survitesse et un câble d’acier de 45 mm d’épaisseur. Son téléphérique fut donc aussi le premier à bénéficier d’un système de sécurité sophistiqué, que Wilhelm Feldmann fit protéger juridiquement. La commune de Grindelwald y voyant une extraordinaire attraction touristique apporta son soutien financier à l’ingénieur allemand et mis le terrain nécessaire à sa disposition. En 1905, commença la construction de la première section jusqu’à la station d’Enge à 1670 mètres d’altitude. En 1907, l’ascenseur du Wetterhorn obtint la concession définitive. En 1908, sa première année d’exploitation qui dura jusqu’en septembre, il fit plus de 1880 courses. Ce chiffre resta en moyenne inchangé pendant ses six années d’exploitation. Un aller simple coûtait 3 francs 50 et pour un aller-retour, le passager n’ayant pas froid aux yeux devait débourser 5 francs.
Horaires 1908/09.
Horaires 1908/09. Archives fédérales suisses
Wilhelm Feldmann n’a malheureusement pas pu assister à l’ouverture de «son» téléphérique, car il mourut le 2 juin 1905 à l’âge de seulement 52 ans des suites d’une attaque cérébrale. C’est peut-être pour cela que les trois autres sections n’ont jamais vu le jour. Il semble plutôt que la localisation de la station d’aval, au niveau de l’hôtel éponyme situé à l’extérieur de Grindelwald, était un sérieux handicap qui pesa encore davantage dans la balance. En sa défaveur joua aussi la construction de la deuxième section prévue non pas en liaison directe avec la première mais à 750 mètres en amont. Les concessionnaires, quant à eux, ont toujours embelli le tableau par d’emphatiques formules vantant sa vue imprenable sur des «compositions minérales burlesques» avec «en avant-scène, le somptueux défilé de glaciers et de sommets aux mille facettes».
Wilhelm Feldmann immortalisé sur une carte postale publiée à l’ouverture de son «ascenseur».
Wilhelm Feldmann immortalisé sur une carte postale publiée à l’ouverture de son «ascenseur». Bibliothèque de la Bourgeoisie Berne
C’est finalement le début de la Première Guerre mondiale qui sonna le glas de l’ascenseur du Wetterhorn; le manque de touristes porta alors le coup de grâce au premier téléphérique de Suisse. La concession qui avait été établie pour 20 ans n’a jamais été renouvelée et lorsqu’un éboulement détruisit sa station de départ, l’ascenseur du Wetterhorn entra définitivement dans l’histoire.

La première fois…

Il y a une première fois à tout. Cette série met à l’honneur les premières historiques de la Suisse et aborde des thèmes aussi variés que les premiers passages piétons et la toute première initiative populaire. Les articles sont rédigés en collaboration avec les Archives fédérales suisses.

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