
La peinture de portrait: l’évolution d’un face à face
Aujourd’hui, grâce aux technologies numériques, réaliser un portrait et le diffuser en masse est devenu particulièrement simple et abordable. Avant l’avènement de la photographie, c’est la peinture qui remplissait ce rôle. Retour sur l’histoire de cet art et de son évolution.
Portraits du Fayoum et portraits de donateurs
Des œuvres font toutefois exception, notamment les scènes de dédicaces que l’on trouve dans les manuscrits enluminés. Ces scènes montrent l’auteur remettant son œuvre au commanditaire, ou ce dernier la remettant à une église. Souvent, le donateur est représenté en position de prière, entouré de Saints ou humblement intégré à une scène biblique. Les portraits de personnes terrestres n’étaient en effet acceptés que dans un contexte religieux.


Séparation du contexte religieux
Parmi les peintres flamands du XVe siècle, citons Robert Campin, Rogier van der Weyden et Jan van Eyck, qui peignit le tableau baptisé «Les époux Arnolfini», l’un des doubles portraits les plus notables de toute l’histoire de l’art. Ce tableau énigmatique truffé de symboles prendrait pour modèles le marchand Giovanni Arnolfini et sa femme Giovanna Cenami. Or, selon les recherches les plus récentes, il ne s’agirait ni de la représentation d’un mariage ni de fiançailles, comme on l’a longtemps supposé. Deux autres personnes présentes dans la pièce se reflètent dans le miroir situé au centre du tableau. L’inscription «Johannes de Eyck fuit hic 1434» («Jan van Eyck fut ici en 1434») incite à supposer que l’un des deux reflets est celui de Jan van Eyck, ou à se demander si le tableau ne représenterait pas le peintre lui-même et sa femme Margarethe, la statuette en bois sur le cadre de lit montrant la Sainte du même nom. En tant que «valet de chambre» le mieux payé de la cour du Duc de Bourgogne, Jan van Eyck était suffisamment fortuné pour pouvoir s’offrir les objets et habits visibles sur le tableau. De plus, il ne manquait guère de confiance en lui, lui qui fut l’un des premiers peintres à signer ses œuvres.
L’autoportrait s’établit comme genre artistique
Les artistes utilisèrent aussi l’autoportrait à des fins d’étude, comme un champ d’expérimentation, une pratique qui fut notamment glorifiée par Rembrandt au XVIIe siècle. Avant lui, pratiquement personne ne peignit autant d’autoportraits caractérisés par des expressions, grimaces et autres gestes d’une telle diversité.


La grande époque de la peinture de portrait
Les portraits de nobles ayant surtout une fonction représentative, ils étaient souvent peints devant des décors imposants et tragiques ou dans des intérieurs somptueux. L’objectif était de montrer la personne sous une forme idéalisée, distanciée, voire dramatique, pour anticiper le travail de mémoire à la gloire du futur défunt. L’aspect humain extérieur se confondait souvent avec la mise en scène du pouvoir, du succès, de la classe sociale, de la richesse et de la force. Aux femmes, on ajoutait la beauté, pour laquelle le peintre était prêt à fermer un œil et à forcer le trait. En plus des couronnes ou autres sceptres, d’autres «accessoires» ou décorations militaires étaient souvent représentés, tels que casques, armures ou épées. Tandis que les habits en matière noble comme la soie, le velours ou la dentelle avaient valeur de symbole social indépendamment du sexe, les femmes étaient en plus parées d’accessoires précieux.
Parmi les entreprises ratées, citons ici une commande passée à Hans Holbein le Jeune. Ce peintre, né à Augsburg et ayant œuvré à Bâle jusqu’en 1532, s’était fait un nom en Angleterre, notamment avec des portraits d’Érasme de Rotterdam et de Thomas More, lorsqu’il fut appelé à la cour du roi Henri VIII en 1536. Ce dernier, après la mort de sa troisième épouse, souhaitait se remarier et envoya Holbein sur le continent afin qu’il peigne le portrait de plusieurs candidates potentielles (et impérativement séduisantes), dont les filles de Jean III de Clèves à Düsseldorf. Le portrait de l’une d’entre elles, Anne de Clèves, séduisit le roi tant et si bien qu’il épousa la jeune femme sans même l’avoir rencontrée. Malheureusement, à son arrivée en Angleterre, la jeune mariée ne lui plut pas du tout. Et c’est ainsi que le quatrième mariage d’Henri VIII fut annulé peu de temps après au motif qu’il n’avait «jamais été consommé».
Persistance de la peinture de portrait à l’ère de la photographie
Avec l’arrivée du photoréalisme dans les années 1960, est apparu en peinture un mouvement artistique en totale opposition avec l’abstraction: grâce aux portraits hyperréalistes peints par des artistes comme Chuck Close, Gerhard Richter ou Franz Gertsch, la photographie s’est pratiquement fait détrôner par la peinture.


