Le nuancier du vitrailliste recense près de 800 coloris.
Le nuancier du vitrailliste recense près de 800 coloris. Musée national suisse

Jeux de lumière et de couleurs

Depuis le XIIIe siècle, les vitraux bercent la pénombre des églises d’une lumière colorée. Mais comment est réellement faite un vitrail?

Alexander Rechsteiner

Alexander Rechsteiner

Après avoir suivi des études d’anglais et de sciences politiques, Alexander Rechsteiner travaille aujourd’hui au sein du département Communication du Musée national suisse.

Les vitraux existent depuis plus de mille ans. Illuminant le style gothique, ils connaissent un premier apogée au XIIIe siècle, lorsque les églises s’élancent vers le ciel et que le soleil vient inonder leur chœur en passant à travers de splendides fenêtres de verre coloré. Les motifs sont surtout religieux et mettent en images des récits de la Bible, bien que les vitraux héraldiques ou d’appartement fassent la renommée de la Confédération à partir du bas Moyen Âge. On trouve aujourd’hui encore des vitraux contemporains dans les édifices religieux ou les bâtiments publics. Le concept du vitrail est simple: des morceaux de verre de différentes couleurs sont assemblés pour former une image. Le procédé de fabrication, composé d’un grand nombre d’étapes, fait intervenir différents corps de métier. Il est très complexe et n’a que peu évolué au cours des siècles. Le vitrailliste n’utilise pas de pigments; il se sert de verres de différentes couleurs qu’il compose à la façon d’une mosaïque. Le verre utilisé est spécial. Fabriqué à la main, il n’est pas complètement transparent, comme le verre moderne, mais possède une structure formée de bulles et de stries, qui brise les rayons de lumière et produit l’effet typique des vitraux. Il est teinté dans sa masse par ajout de fer, de cuivre, de nickel ou d’un autre métal.
Vitrail datant du Moyen Âge : la Vierge à l’Enfant, aux alentours de 1200, chapelle de Saint-Jacques, à Gräpplang, Flums (SG).
Vitrail datant du Moyen Âge : la Vierge à l’Enfant, aux alentours de 1200, chapelle de Saint-Jacques, à Gräpplang, Flums (SG). Musée national suisse

Grisaille & émail

Le vitrailliste travaille sur la base d’idées personnelles ou de modèles faits par d’autres artistes. Il élabore une maquette, qui est ensuite reportée sur un calque épais, le carton. Chaque pièce est dessinée et numérotée pour ne pas être confondue. Les «calibres» sont ensuite découpés à l’aide d’un ciseau spécial qui retire des bandes de 1,5 millimètre de large entre les morceaux. C’est dans cet espace que le sertissage en plomb, qui constitue le cadre si caractéristique des vitraux, prend place.
Couteau et ciseau spécial.
Couteau et ciseau spécial. Musée national suisse
Une fois les calibres découpés, le vitrailliste a l’embarras du choix entre plus de 5000 coloris. Pour chaque pièce, il choisit le verre qui convient, comme un peintre choisit ses couleurs. Il ne les fabrique pas lui-même, mais les achète à une verrerie. Le vitrailliste remet les calibres et les verres au maître-verrier, car la découpe requiert de l’expérience et une grande habileté. Certains modèles comptent plusieurs centaines de pièces de toutes les formes possibles. Pour découper le verre, on utilise un outil muni d’une pointe de diamant. Il y existe toujours le risque que l’un d’eux se brise. Une fois découpées, les pièces reviennent vers le vitrailliste, qui les fixe provisoirement sur un panneau avec de la cire d’abeille. Le calque se trouve en dessous. Il peut alors peindre les détails par transparence – les traits d’un visage, une ombre ou autre – avec une peinture appelée grisaille, un mélange d’oxyde de fer et de cristal de couleur broyé finement.
Le vitrailliste au travail sur les détails.
Le vitrailliste au travail sur les détails. Musée national suisse
Les verres sont cuits dans un four à céramique pendant deux heures et demie à 560 °C. Cela empêche les pièces de casser et permet à la grisaille d’adhérer définitivement à leur surface. Ensuite, on applique encore de l’émail sur certains morceaux, pour créer davantage d’effets de couleur. Pendant cette étape, le vitrailliste travaille presque à l’aveuglette, car le résultat n’apparaît qu’après une nouvelle cuisson. Or, selon la composition de l’émail et de la structure du verre, le rendu n’est pas toujours pas celui attendu.
La couleur réelle d'un verre ne devient visible qu'après sa cuisson. Ces échantillons de couleurs cuites sont utilisés pour la comparaison avec le modèle.
La couleur réelle d'un verre ne devient visible qu'après sa cuisson. Ces échantillons de couleurs cuites sont utilisés pour la comparaison avec le modèle. Musée national suisse
Le montage est réalisé par le maître-verrier. Il sertit chaque verre de plomb, avant d’emboîter les morceaux entre eux. Les interstices sont remplis de mastic. On finit par un nettoyage à la sciure de bois et on fait briller avec du pétrole. La dernière étape consiste à placer le vitrail dans sa fenêtre, sa niche, son œil-de-bœuf… pour que, transpercé par les rayons du soleil, il déploie toute sa magie. Parfois pendant des siècles et des siècles.
Les différentes étapes de travail en un coup d'œil.
Les différentes étapes de travail en un coup d'œil.

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