Diverses stèles représentant des êtres humains avec bijoux, armes et outils.
Diverses stèles représentant des êtres humains avec bijoux, armes et outils.

La naissance des guerriers

Des stèles de pierre datant du néolithique ont été découvertes en Europe. Elles témoignent de l’apparition des guerriers, une nouvelle caste. Lourdement armés, ils protégeaient les richesses des élites.

Alexander Rechsteiner

Alexander Rechsteiner

Alexander Rechsteiner a étudié l'anglais et les sciences politiques et dirige le département Marketing & Communication du Musée national Zurich.

Il y a 6000 ans, la vie était pleine de dangers. En Europe, les premiers paysans sédentaires venaient d’apparaître. Ils cultivaient la terre, pratiquaient l’élevage et commençaient à extraire des minerais du sol. Si ce changement de mode de vie est très lent, il bouleverse littéralement la vie des hommes de l’époque. Les populations sédentaires s’affranchissent de la chasse et de la cueillette quotidiennes. De nouveaux aliments, comme les céréales, permettent de nourrir un plus grand nombre de personnes et le bétail constitue une source de viande sûre et constante. La sédentarisation permet également d’accumuler des ressources. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, certaines personnes sont plus riches que d’autres.
La prospérité est néanmoins source de dangers. Une terre fertile ou l’accès à une mine de cuivre récemment découverte éveillent la jalousie et l’envie de s’approprier le bien de l’autre. Celui qui possède quelque chose doit pouvoir se défendre. Sans surprise, les fouilles du néolithique montrent une très nette augmentation de la violence: un crâne défoncé par un coup de hache, un squelette porteur de blessures causées par des flèches…
Crâne d'une femme de 20 à 25 ans blessée par coup. 3345-3095 av. J.-C., Allemagne, Saxe-Anhalt, Salzmünde.
Crâne d'une femme de 20 à 25 ans blessée par coup. 3345-3095 av. J.-C. Allemagne, Saxe-Anhalt, Salzmünde. Landesmuseum für Vorgeschichte, Halle
Torse d’un homme perforé par une flèche. Il a dû se battre avec une ou deux personnes. Le squelette porte aussi des blessures au crâne et à la hanche, infligées au moment de la mort.
Torse d’un homme perforé par une flèche. Il a dû se battre avec une ou deux personnes. Le squelette porte aussi des blessures au crâne et à la hanche, infligées au moment de la mort. © Landesamt für Denkmalpflege und Archäologie Sachsen-Anhalt, Juraj Lipták
Les objets fabriqués par les populations témoignent de cette montée de la violence, à l’instar des corps retrouvés. Au néolithique, les pierres soigneusement sculptées représentant des personnages armés se multiplient. Les stèles portent toutes des lignes géométriques qui évoquent des parties du corps, la représentation réduite à son minimum des yeux, du nez, des bras. Certaines montrent aussi des guerriers lourdement armés. Ainsi, la silhouette masculine retrouvée dans le Haut-Adige est entourée de pas moins de sept poignards, plusieurs casse-têtes et une hache de guerre. Un hommage au guerrier représenté certes, mais aussi un symbole de pouvoir. Les sculptures témoignent des prouesses technologiques de l’époque (armes et outils agricoles) comme des richesses (bijoux et habits ornés de motifs).
Stèle masculine «Petit-Chasseur 25» avec visage en forme de T, vêtement à motifs géométriques, arc et flèche. Marbre. 2500–2200 av. J.-C. Suisse, canton du Valais, Sion.
Stèle masculine «Petit-Chasseur 25» avec visage en forme de T, vêtement à motifs géométriques, arc et flèche. Marbre. 2500–2200 av. J.-C. Suisse, canton du Valais, Sion. © Musées cantonaux du Valais, Sion. Hervé Paitier
Stèle anthropomorphe «Don Bosco 2» avec mains et avant-bras, ceinture et collier avec pendentifs à double spirale. Marbre. 3000–2500 av. J.-C. Suisse, canton du Valais, Sion.
Stèle anthropomorphe «Don Bosco 2» avec mains et avant-bras, ceinture et collier avec pendentifs à double spirale. Marbre. 3000–2500 av. J.-C. Suisse, canton du Valais, Sion. © Office cantonal d’Archéologie VS / Yves Leresche
Stèle représentant un homme portant collier, casse-tête, poignard, hache de combat et ceinture à plusieurs rangs. Calcaire. 3000–2500 av. J.-C. Italie, Trentin–Haut-Adige, Arco.
Stèle représentant un homme portant collier, casse-tête, poignard, hache de combat et ceinture à plusieurs rangs. Calcaire. 3000–2500 av. J.-C. Italie, Trentin–Haut-Adige, Arco. © MAG Museo Alto Garda
Stèle «Arco 2» avec trois poignards, hache, ceinture et armoiries au dos. Marbre. Marbre. 3000–2500 av. J.-C. Italie, Trentin-Haut Adige, Arco.
Stèle «Arco 2» avec trois poignards, hache, ceinture et armoiries au dos. Marbre. Marbre. 3000–2500 av. J.-C. Italie, Trentin-Haut Adige, Arco. © MAG Museo Alto Garda
Les nouvelles armes – poignards et casse-têtes – veillent sur les possessions des élites. Elles servent à se défendre, mais aussi à attaquer. Il est manifeste que le style d’affrontement change lui aussi. Si les poignards et les haches ne se prêtent qu’au combat rapproché, contrairement à l’arc et aux flèches, ils en sont d’autant plus redoutables. Leur usage demande une force et une détermination, qui ne sont pas données à tout le monde. Le néolithique voit ainsi apparaître les premiers guerriers. Ils protègent les richesses d’un clan, ou s’approprient de celles des autres pour son compte. Dans la société en voie de hiérarchisation du néolithique, les guerriers bénéficient d’un statut social particulier, dont témoignent encore aujourd’hui les stèles de ce temps.

Autres articles