
Une invasion? La critique du tourisme vers 1900
C’est en épousant Marie Stern, l’hôtelière à Wengen, que l’archéologue Jakob Wiedmer découvrit un peu par hasard le boom du tourisme de la Belle Époque dans l’Oberland bernois. Il consigna ses impressions dans son roman «Flut», une critique du tourisme qui l’obligea à quitter sans délai ses fonctions de directeur d’hôtel.
De fils de boulanger à archéologue, puis hôtelier
Sur la voie du tourisme de masse dans l’Oberland bernois
Tourisme de masse ou surtourisme?
Le tourisme de masse se définit comme le déplacement d’un grand nombre de personnes vers des destinations populaires, souvent avec des offres standardisées. Le surtourisme désigne quant à lui une situation dans laquelle le tourisme prend une telle ampleur qu’il en vient à compromettre sensiblement la qualité de vie de la population locale, de même que l’expérience des touristes.
C’est toutefois le raccordement de la région au réseau de chemin de fer qui fut déterminante pour l’avènement du tourisme de masse, sachant que la liaison se limita tout d’abord au tronçon entre Berne et Thoune (achevé en 1859/1861), d’où il était ensuite possible d’embarquer sur un bateau. Ce n’est qu’à partir de 1885 que l’extension du réseau ferroviaire s’accéléra: en l’espace de dix ans, la ligne de chemin de fer de Thoune à Interlaken vit le jour le long du lac de Thoune, tout comme les liaisons entre Interlaken, Grindelwald et Lauterbrunnen ainsi que la ligne du Brünig reliant Brienz à Lucerne en passant par le col du Brünig. Enfin, avec l’ouverture de la ligne du Lötschberg en 1913, une liaison fut assurée avec le Haut-Valais et jusqu’à Milan.
Grâce à cet accès facilité, le tourisme poursuivit son essor dans l’Oberland bernois. Commença alors entre les différentes localités et régions une compétition qui se jouait sur deux niveaux: l’attractivité de l’offre hôtelière et les chemins de fers de montagne. D’abord, les meilleurs hébergements pour une clientèle internationale fortunée se limitèrent aux villes situées en périphérie des Alpes, comme Thoune. Mais à la fin du 19e siècle, de nouveaux complexes hôteliers sortirent de terre aux abords du lac de Brienz, à Grindelwald, à Wengen ou à Mürren, engageant une course pour les meilleurs emplacements et la clientèle la plus fortunée, dont on imagine qu’elle suscita une concurrence et une jalousie importantes au sein des communautés de petits villages.
Dans le contexte qui nous intéresse, la construction du chemin de fer Wengernalp qui montait de Lauterbrunnen à Wengen, puis à la Kleine Scheidegg, avant de redescendre à Grindelwald (1893), fut essentielle. La ligne contribua de manière décisive au développement du petit village de montagne de Wengen, ce qui nous plonge concrètement dans l’univers du couple Wiedmer-Stern. Toutefois, le projet de loin le plus audacieux devait se raccorder à ce chemin de fer et relier la Kleine Scheidegg au Jungfraujoch. De nombreuses photos de la Belle Époque attestent de l’attrait de ce trajet pour les touristes.
«Flut», un roman critique du tourisme
Continuez, construisez des chemins de fer tous azimuts, profanez la Jungfrau avec le vacarme de vos machines et la foule morose, et piétinez sa tête avec vos semelles souillées par la fange de la grande ville! […] Mais vous l’avez violée; vous la bradez pour votre profit, comme une fille de petite vertu!
Après la rupture avec Wengen
Réédition du roman «Flut»
La réédition du roman «Flut» est parue il y a peu chez Chronos, 120 ans après la sortie du livre. Elle est accompagnée d’une préface du biographe de Wiedmer, Felix Müller, et d’une postface de Christian Rohr sur l’histoire du tourisme.
Cet article de blog a été rédigé en collaboration avec Felix Müller.
Cet article de blog a été rédigé en collaboration avec Felix Müller.


