Véhicule publicitaire Ovomaltine dans les années 1930.
Archives Wander SA

De la pharmacie au supermarché

On ne présente plus l’Ovomaltine, boisson très appréciée au petit-déjeuner. Inventée par un chimiste, elle est au départ distribuée uniquement en pharmacie.

Gabriel Heim

Gabriel Heim

A la fois écrivain, réalisateur de films et organisateur d’expositions, Gabriel Heim effectue des recherches sur de nombreux sujets d’histoire contemporaine. Il vit à Bâle.

«Un aliment fortifiant indiqué pour les personnes chlorotiques, anémiques, épuisées physiquement ou psychiquement, et pour les femmes allaitantes ou fragiles»: c’est en ces termes qu’en 1904, le fabricant de produits chimiques et de maltose bernois Albert Wander fait la réclame de son nouveau produit malté dans le Journal suisse de chimie et pharmacie. À l’origine, l’extraction de l’orge maltée, patiemment mise au point par Georg Wander (1841-1897), ne constitue pourtant qu’une activité secondaire du laboratoire familial d’analyses et de techniques chimiques. À la mort de son père, Albert, plus entrepreneur qu’expérimentateur, s’emploie à développer l’entreprise paternelle avec détermination. Et c’est ainsi qu’au tournant du siècle, Wander SA connaît une expansion permanente et fabrique une foule de produits: pilules, comprimés, granulés, pommades et suppositoires formulés pour apaiser tous les maux possibles, mais aussi aliments, sirops aromatiques, dentifrices, talcs et autres préparations cosmétiques aux appellations attrayantes, qui font connaître le nom de Wander auprès des pharmaciens et de leur clientèle aux quatre coins du pays. L’entreprise est si dynamique que jusqu’en 1940, sa gamme de produits pharmaceutiques est plus étendue que celle du Bâlois Sandoz.

Une vente d’abord limitée aux pharmacies

En dépit du beau succès des pilules et des onguents, l’ambitieux dirigeant entend poursuivre le développement des produits maltés, le cœur de métier traditionnel de Wander. Il a bien imaginé une boutique pour vendre ses spécialités (malt pour la digestion, malt enrichi en fer et en iode, malt au brome contre la coqueluche, malt à l’huile de foie de morue ou en bonbons), mais il a le sentiment de faire fausse route. Ce dont il rêve, c’est d’un fortifiant universel, un aliment qui conviendrait aux personnes malades ou en bonne santé, jeunes ou âgées, sportives ou sédentaires. Après des tentatives acharnées, les chimistes de Wander parviennent à mélanger l’extrait de malt avec du lait, de l’œuf, de la levure et du cacao, et à le conserver de manière à en préserver les nutriments. La spécialité tant attendue est commercialisée sous l’appellation Maltosan en 1903, et prend le nom d’Ovomaltine un an plus tard. Cet aliment fortifiant innovant est d’abord distribué uniquement en pharmacie. À partir de 1922, Wander positionne son produit phare comme boisson du petit-déjeuner et des nuits paisibles dans des réclames adressées à un public toujours plus soucieux de sa silhouette et de sa santé.

La première boîte d’Ovomaltine en 1904 n’était pas encore habillée du fond orange emblématique.
Archives Wander SA

L’armée s’est elle aussi intéressée à l’Ovomaltine. Le produit se conserve longtemps et prend peu de place dans lse sac à dos.
Archives Wander SA

Benoît Carrara tenant une boîte d’Ovomaltine lors d’une compétition de ski de fond au Brassus en 1955.
Musée national suisse

Le succès est au rendez-vous: les ventes triplent. Albert Wander, qui pressent le potentiel de l’Ovomaltine sur le marché international, commence à bâtir un véritable empire dès avant la Première Guerre mondiale. Il fonde la Wander Company en Illinois aux États-Unis, les Établissements Wander en France et la Wander Limited à Londres, qui exploite une grande usine dans le comté d’Hertford. Rapidement, d’autres filiales et unités de production sortent de terre à Budapest, Vienne, Prague, Zagreb, et dans d’autres villes encore. Ovomaltine devient le fortifiant par excellence des personnes actives.

Il n’y a donc rien de surprenant à ce que l’armée ait fini par s’y intéresser: en 1937, le Commissariat fédéral des guerres charge Wander de créer un en-cas à haute valeur nutritive destiné aux troupes, qui puisse remplacer un repas en haute montagne et être stocké comme réserve de secours «pour tous». C’est ainsi que l’Ovomaltine militaire voit le jour. Il sera commercialisé plus tard sous le nom d’Ovo Sport. Dès ce moment, plus une manifestation sportive n’est organisée en Suisse sans publicité Ovo. Pelé et Mohammed Ali, les champions de ski, les coureurs militaires et le vainqueur du Tour de Suisse Ferdy Kübler vantent les qualités de l’aliment fortifiant. Sir Edmund Hillary, premier vainqueur de l’Everest, emporte même de l’Ovo dans son sac à dos. S’ils sont allés aussi loin, c’est grâce à un entraînement sans relâche et à Ovomaltine, leur font dire les publicitaires de Wander dans les années 1950.

En 1967, Wander SA est rachetée par Sandoz, son ancien concurrent. En 2002, elle passe dans le giron d’un groupe alimentaire britannique, ce que de nombreux Suisses ressentent comme la vente d’un petit morceau de leur pays.

Publicité Ovomaltine de 1965.
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Publicité Ovomaltine américaine datant des années 1950.
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Publicité Pront Ovo de 1968.
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